Interprètes sociaux


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Depuis 30 ans, l’association ISM Interprétariat fournit des interprètes aux immigrés confrontés aux services publics français. A la poste, à l’hôpital ou par téléphone, les ressortissants africains peuvent faire appel à ces interprètes-écrivains publics.

Un nouveau bureau de poste vient de s’ouvrir dans le 19ème arrondissement de Paris. Courant septembre, il sera doté d’interprètes parlant l’arabe et le soninké afin d’aider les étrangers dans leurs démarches. L’initiative n’est pas nouvelle : elle a été développée par l’association ISM Interprétariat dès le milieu des années 80. Le point sur ce service pas comme les autres avec le directeur de l’association, Michel Sauvêtre.

Afrik : Quel est le but de votre association, ISM Interprétariat ?

Michel Sauvêtre : Depuis 30 ans, nous faisons de l’interprétariat en milieu social. Nous en sommes les pionniers. Notre souhaitons favoriser la communication entre les services publics français et les étrangers qui passent par ces services. Nous fournissons des interprètes aux personnes étrangères immigrées pour les aider à comprendre ce qu’on leur demande et par là-même à s’insérer. Nous avons placé nos premiers interprètes dans les bureaux de poste dès 1984-85 mais ce n’est qu’une partie de notre activité d’interprétariat.

Afrik : Que font ces interprètes dans les bureaux de poste ?

Michel Sauvêtre : Je les définis comme des écrivains publics-interprètes. Ils aident les gens qui ont un problème avec l’écrit. Ils sont eux-mêmes originaires des pays où sont parlées les langues qu’ils interprètent. Ce qui fait qu’un interprète soninké parlera généralement plusieurs langues, comme le bambara ou le wolof. Dans les bureaux de poste, ils se trouvent dans la salle du public, accueillent les personnes. Les sociétés africaines étant des sociétés de l’oralité, les immigrés sont heureux de pouvoir s’exprimer dans leur langue. La présence d’un interprète permet de préparer le passage au guichet, de sécuriser les gens, d’organiser un rendez-vous avec un conseiller.

Afrik : Combien de bureaux bénéficient de ce service ?

Michel Sauvêtre : Quarante, tous localisés en région parisienne, dont quinze à Paris. Nous tenons compte de la population du quartier, en sachant qu’à Paris et sa banlieue il y a prédominance de Sénégalais, Maliens et Maghrébins. En conséquence, sur les quinze bureaux parisiens, trois bénéficient d’interprètes d’Afrique noire et douze du Maghreb. Ils sont principalement localisés dans les quartiers Est et Nord de Paris. Max Dormoy et la Goutte d’or sont très demandeurs.

Afrik : A part à la poste, où intervenez-vous ?

Michel Sauvêtre : Nous comptons une trentaine d’interprètes en arabe et vingt-cinq en soninké pour l’ensemble de la région parisienne, qui traitent de problèmes dans la durée que rencontrent ces populations relativement anciennes : problèmes avec les jeunes générations, regroupements familiaux, sida… Nous intervenons dans tout ce qui concerne la naissance, la maladie et la mort. Nous sommes présents à l’hôpital, à la maternité, lors des consultations maternelles et infantiles, le plus souvent en banlieue. Lors des consultations en pédiatrie, les femmes sont seules et parlent en confiance. C’est le bon moment pour voir ce qu’elles comprennent. Les médecins leur conseillent de donner des légumes à leurs bébés mais cela ne sert à rien si elles ne savent pas comment acheter les produits. Un jour, nous avons organisé une sortie dans un marché avec des femmes pour leur expliquer.

Afrik : Quels sont vos effectifs ?

Michel Sauvêtre : Nous employons 220 interprètes, qui sont en majorité des temps partiels. Nous effectuons 200 000 heures de déplacements par an. 70 à 80 interprètes sillonnent la banlieue parisienne tous les matins, et pareil l’après-midi. Nous jouons beaucoup sur la mobilité des personnes.

Afrik : Vous ne travaillez qu’en région parisienne ?

Michel Sauvêtre : Pour les déplacements, oui. Nous avons des relais en province comme à Lyon et Marseille mais à plus petite échelle. En revanche, depuis 10 ans, nous avons mis en place un service d’interprétariat par téléphone. Il fonctionne pour plus de 80 langues sur la France entière, 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24. Nous enregistrons 35 000 appels par an. En ce moment nous travaillons beaucoup sur les demandes d’asile, notamment avec des gens venant d’Angola, de Sierra Leone et de Guinée Equatoriale. Lorsque des réfugiés arrivent d’un pays, ils ont besoin d’un soutien. On encadre, on accompagne. C’est un défi, sans compter l’évolution des langues, très rapide. Il faut sans cesse se réadapter.

Pour en savoir plus, le site.

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