Jean-Paul Cluzel est président de Radio France Internationale (RFI) depuis cinq ans. Pour Afrik.com, il revient sur les développements d’Internet en Afrique. Selon lui, si la télévision risque de connaître des bouleversements importants à cause d’Internet, la radio restera toujours un média à part. Interview.
Afrik.com : Quel regard portez-vous sur le développement d’Internet en Afrique ?
Jean-Paul Cluzel : On voit bien qu’Internet se développe rapidement à partir des couches les plus aisées de la population et chez les plus jeunes. Le phénomène des cybercafés est par exemple très important dans la prise d’opinion des jeunes. Internet se développe d’une manière libertaire, donc heureuse. Si l’on doit s’inquiéter, c’est de l’état des réseaux de télécommunications qui ne sont performants que dans les capitales et quelques grandes villes. Il y a tellement de fossés qui se créent en Afrique entre les capitales et l’intérieur des pays qu’il ne faut pas qu’Internet crée un fossé supplémentaire. C’est de la responsabilité des Etats et non pas des opérateurs Internet. Dans la plupart des pays africains, les programmes de privatisation des télecoms s’accompagnent généralement d’une modernisation des infrastructures qui contribue à laisser de côté quelques villages ou petites villes. Mais je suis confiant. Quand on voit comment la téléphonie mobile s’est développée sur le continent, on ne peut pas dire que tout va mal en Afrique. Le système des télécommunications a connu incontestablement de grands progrès.
Afrik.com : Qu’est-ce-qu’Internet peut changer pour un média comme la radio en Afrique ?
J-P C. : Je crois qu’on ne remplacera jamais la radio par Internet. Pour une raison bien simple : la radio est le seul média dont on puisse bénéficier en faisant autre chose. On écoute la radio en travaillant, en préparant la cuisine, en conduisant, ce que vous ne pouvez pas faire en regardant la télévision ou en surfant sur Internet. Le média radio est donc absolument spécifique. Autant je suis persuadé qu’il y aura de profondes conséquences pour la télévision du développement d’Internet en Afrique, et dans le reste du monde, autant la radio, sans négliger l’importance du web, devra rester spécifique. Elle passe par la parole, par le son. C’est un média mobile.
Internet représente-t-il un moyen supplémentaire pour RFI de faire passer de l’information sur le continent ?
J-P C. : En premier, Internet nous permet d’être en contact avec nos auditeurs par le biais des emails. Il permet le dialogue. Depuis qu’Internet existe, nous veillons à être très présents, car c’est un espace très important de liberté. Même s’il ne touche qu’un cercle restreint d’Africains, ce sont eux qui feront bouger l’Afrique : étudiants, décideurs, journalistes, responsables politiques et syndicaux. Notre mission est d’aider l’Afrique dans son progrès d’information. Nous avons intérêt à ce que RFI ne soit pas la seule source d’information fiable en Afrique. Rien n’est pire que le monopole de l’information. C’est donc spontanément que nous nous efforçons d’aider le continent à passer à Internet, à travers toute une série de programmes, comme le nouveau concours qui récompense des sites Internet, et dont je remettrai les prix à Yaoundé. Nous n’avons pas d’hésitation lorsqu’il s’agit d’accroître les contenus et le pluralisme de l’information en Afrique.