Après avoir totalement coupé la connexion durant 5 jours, les autorités égyptiennes ont rebranché les tuyaux de l’Internet mercredi. Les effets de cette censure pourtant sans précédent ont montré leurs limites. Au nom du principe de respect des libertés numériques, plusieurs fournisseurs d’accès étrangers ainsi que les géants Google et Twitter ont mis en place des stratégies de contournement de la censure, permettant aux mots d’ordre des manifestants anti-Moubarak de se répandre.
Fin du black out sur l’Internet égyptien. Après cinq jours de coupure, le gouvernement égyptien a annoncé mercredi le retour progressif du Web, selon la chaîne qatarie al-djazeera. Internet était au moins rétabli mercredi matin au Caire, ont confirmé des internautes et des journalistes de l’AFP. Des internautes égyptiens ont toutefois indiqué à l’agence Reuters que les sites des réseaux sociaux Twitter et Facebook étaient toujours inaccessibles mercredi matin, malgré le retour de l’Internet.
La société Cedexis, qui mesure le trafic Internet pour une centaine de clients dans le monde, a confirmé la nouvelle. « Tous les fournisseurs d’accès ont repris plus ou moins au même moment, ce qui signifie qu’il s’agit d’une décision gouvernementale de rétablir le réseau », a expliqué Julien Coulon, fondateur de Cedexis, à France24.com, précisant que la connexion a été rétablie à 10h50 (heure égyptienne).
Google et Twitter s’associent
Comme en Tunisie, Internet et la téléphonie mobile ont joué un rôle crucial dans le déclenchement des manifestations le 25 janvier dernier en Egypte, organisées à l’appel du mouvement du 6 avril et d’autres organisations des droits de l’Homme via le réseau Facebook. Et l’omerta imposée par le régime égyptien sur la toile depuis le début de la contestation n’a eu qu’un effet limité. Grâce au soutien actif de plusieurs fournisseurs d’accès étrangers et des géants Google et Twitter, des stratégies de contournement ont été en effet rapidement mises en place pour permettre aux manifestants d’échanger des informations, de mobiliser et de s’organiser.
Twitter et Google ont mis en place, lundi soir, un système permettant de twitter sans avoir à recourir à une connexion Web. Baptisé Speak2tweet, l’outil permet de laisser un message vocal, depuis une ligne fixe, vers trois numéros hébergés à l’étranger (aux Etats-Unis : +16504194196, en Italie : +390662207294, à Bahrein : +97316199855). Un lien vers l’enregistrement est ensuite automatiquement tweeté sur le compte speak2tweet avec le hashtag #egypt et #jan25.
Speak2tweet n’est pas la seule solution proposée pour contourner le black out imposé par le régime Moubarak. Le fournisseur d’accès à Internet associatif français FDN a proposé dès vendredi 31 janvier un accès à distance via modem analogique (numéro d’accès: +33.1.72.89.01.50, login: toto, mot de passe: toto). Le groupe suédois des défenseurs des libertés numériques a également mis en place un numéro (+46850009990) et des codes d’accès et mots de passe (telecomix/telecomix) pour permettre aux Egyptiens de se connecter via la ligne fixe.
Bien que le Web ait joué un rôle important dans le déclenchement de la contestation en Egypte et Tunisie, de nombreux observateurs estiment que les réseaux sociaux n’ont pas provoqué la révolution, mais n’ont fait que l’accompagner. « Cette grande théorie selon laquelle les mouvements de protestation actuels en Tunisie, l’an dernier en Iran et en Birmanie, puiseraient leur source dans les réseaux sociaux ou seraient relayés par eux est une grande escroquerie intellectuelle », affirme Gilles Fontaines, le rédacteur en chef délégué du magazine Challenge, sur son blog consacré aux nouvelles technologies. Ce que les Tunisiens et les Egyptiens ont accompli ces derniers jours, ils le doivent d’abord au courage de beaucoup d’entre eux, dont certains ont payé leur audace de leur vie.
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