En raison des prix élevés des vivres et des carburants, les Comores risquent d’être bientôt le théâtre de « troubles sociaux », selon un haut responsable des Nations Unies.
Le renversement du dirigeant rebelle Mohammed Bacar par le gouvernement au cours d’une opération militaire menée en mars 2008 pour reprendre le contrôle de l’île d’Anjouan avait redonné une lueur d’espoir aux [populations des] Comores, et les autorités avaient promis que cette opération permettrait d’établir la stabilité tant attendue dans les trois îles de cet archipel de l’océan Indien.
Mais au lieu de voir la fin de la série de coups d’Etats, de chamailleries politiques et de la pauvreté qui caractérisent son histoire douloureuse, l’archipel, dont la population est en colère, déçue et toujours extrêmement pauvre, se trouve de nouveau plongé dans la crise.
« Les espoirs étaient grands après la prise d’assaut d’Anjouan », a déclaré Opiah Kumah, représentant du Programme des Nations Unies pour le développement aux Comores. « En réalité, la situation est peut-être même pire aujourd’hui, et il y a un malaise général dans l’ensemble du pays. La situation est grave, et nous craignons, si cela continue, que le pays ne soit plongé de nouveau dans l’instabilité politique ; nous avons peur [que cela déclenche] des troubles sociaux ».
Les Etats-Unis ont également publié, à l’attention de leurs ressortissants, un avertissement aux voyageurs expliquant que des troubles sociaux risquaient d’avoir lieu dans le pays.
Les manifestations de rue se multiplient
L’archipel des Comores est un des pays les plus pauvres et les plus endettés du monde. Les revenus de ses 700 000 habitants diminuent en termes réels depuis 20 ans ; ils étaient de 633 dollars par habitant, en moyenne, en 2004. Plusieurs années de conflit ont causé de graves problèmes dans presque tous les secteurs clés de l’économie.
La solution militaire choisie pour mettre fin aux troubles à Anjouan a parfois été vue comme une solution au reste des problèmes de l’archipel, et la possibilité d’établir une certaine stabilité politique était bien réelle.
Ces derniers mois, toutefois, le pays a été accablé par des pénuries de vivres, d’essence et de diesel, depuis que l’unique contrat régissant l’approvisionnement en carburant a été résilié en juillet 2008, selon les avertissements aux voyageurs publiés par le gouvernement américain. Aucun nouveau contrat n’a été conclu jusqu’ici.
« Tous les secteurs sont touchés (les transports, l’électricité et l’alimentation) ; les produits alimentaires sont devenus tellement chers que plus personne n’a les moyens d’acheter quoi que ce soit. Nous nous trouvons dans une situation de crise permanente ; les gens sont très en colère et déçus », a déclaré El-had Saïd Omar, journaliste d’une agence de presse indépendante, depuis Moroni, au cours d’un entretien téléphonique.
« Des manifestations de rue contre la pénurie de carburant ont eu lieu à Moroni, la capitale des Comores, [située sur l’île de la Grande-Comore] et sur l’île d’Anjouan. D’autres manifestations risquent d’avoir lieu dans l’attente d’une résolution des pénuries de carburant […] La situation politique et de sécurité est tendue à Moroni », pouvait-on lire dans l’alerte publiée par les autorités américaines.
De nombreux Comoriens ont exigé la démission d’Ahmed Abdallah Mohamed Sambi, le président de l’Union des Comores, et presque tous les travailleurs des secteurs clés tels que la santé et l’éducation sont en grève. Les hôpitaux sont presque entièrement paralysés et les examens des étudiants ont dû être reportés.
M. Kumah a dit s’attendre à ce que les Nations Unies allouent jusque cinq millions de dollars à la consolidation de la paix aux Comores ; les fonds pourraient être reçus dans deux mois.
Photo: Tomas de Mul/IRIN