Les ressortissants irakiens installés au Maroc sont préoccupés par le sort de leurs familles restées au pays. Entre inquiétude et lassitude, ils assistent impuissants à une guerre aux rapports de forces bien inégaux.
La communauté irakienne au Maroc ne compte pas plus d’un millier de résidents. Leur nombre réduit ne les a pas empêchés d’être très dynamiques et présents dans la plupart des villes du Royaume. Dispersés qu’ils sont dans les quatre coins du pays, il leur a été difficile, selon Riad Mohamed Kazem, chargé de presse à l’ambassade d’Irak à Rabat, de s’organiser en associations ou corps de métiers.
Les Irakiens, qui ont commencé à affluer plus intensément au Maroc à partir du début des années 90, se sont en revanche facilement adaptés au mode de vie marocain. Il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’une communauté qui est restée très attachée à son pays à travers son ambassade à Rabat. La première guerre du Golfe et son principal corollaire, à savoir le blocus économique qui a laminé la majorité du peuple irakien, ne les ont jamais totalement détachés de leur pays d’origine. Mais comme le dit très bien Mohamed Kazem, « l’Irak en Orient, le Maroc en Occident, le point de rencontre reste cette solidarité sans faille des Marocains qui nous donne le sentiment d’être chez soi ».
Intégrés dans la vie économique
Très actifs, les Irakiens au Maroc s’intéressent à un large éventail d’activités économiques. A Casablanca, ils sont principalement dans le commerce et le BTP. Connus surtout dans la location de voitures, ils sont aussi présents dans les professions libérales: médecine, pharmacie… Pour Abou Amin d’Iraq Airways Corp, la communauté irakienne, que ce soit au Maroc ou ailleurs, et « qui se trouve dans un état de profond abattement », n’a pas le coeur à se préoccuper des incidences économiques de la frappe américaine. « Ce qui compte le plus aujourd’hui, c’est la vie de nos familles qui se trouvent exposées aux missiles américains. Nous sommes fidèles à notre dirigeant Saddam Hussein et à son gouvernement », lance-t-il. Et d’ajouter que les communications téléphoniques avec les familles à Bagdad se font plus fréquentes et régulières qu’auparavant.
Tous les Irakiens au Maroc n’ont pas autant de sympathie pour « le dirigeant ». Plusieurs n’hésitent pas à le blâmer pour avoir « fait goûter son peuple aux affres de la guerre et de la privation ». Quant à Yaareb Achtar, cogérant d’une importante société de BTP, il est plutôt rassurant. « Tout va bien pour le peuple irakien qui s’est habitué aux rudesses de la guerre », dit-il sur un ton qui trahit un sentiment de lassitude. « Que pouvons-nous faire face à un géant déterminé à nous envahir? Nous n’avons pas la même force militaire pour lui tenir tête », continue-t-il.
Inquiétudes pour la famille
Même opinion chez H.M de Kit Express, une société irakienne de meubles en kit qui commence, après quatre années d’existence au Maroc, à se faire une place dans le secteur. « Nous avons peur pour notre peuple en Irak. Des membres de la famille nous ont contactés de Bagdad. Ils nous ont assuré que tout le monde va bien », raconte H.M avec ironie. « Nous sortons tard le soir de notre boulot. Souvent, il ne nous reste pas beaucoup de temps pour suivre les informations à la télé », enchaîne-t-il avec la même pointe d’humour irrité. Finalement, H.M, comme plusieurs de ses compatriotes, est las d’avoir à une double vie. L’une plongée dans les affaires au Maroc et l’autre tourmentée par les souffrances quotidiennes de ses concitoyens. « Nos craintes ne seront jamais dissipées tant qu’il y aura la guerre en Irak », a-t-il fini par dire, cette fois-ci sur un ton plus grave.
Mostafa Bentak