L’armée soudanaise a annoncé hier, jeudi 11 avril, la destitution du Président Omar el-Béchir et de son cabinet des ministres sous la pression des manifestants qui protestaient depuis plusieurs semaines contre le chef de l’Etat, au pouvoir depuis trois décennies au Soudan. Le ministre de la Défense Ahmed Awad Ibn Auf a été nommé à la tête du Conseil militaire de transition et l’armée a annoncé qu’elle resterait aux commandes pour les deux prochaines années pour mettre en place la transition. Une déclaration qui inquiète la population.
Les manifestants se sont précipités dans les rues pour célébrer l’éviction d’Omar el-Béchir, qui tenait les rênes du pouvoir d’une main de fer depuis 30 ans, il était arrivé par un coup d’État. Mais rapidement, la joie a fait place à l’inquiétude car l’armée a déclaré qu’elle resterait aux commandes pendant au moins deux ans pour superviser la « transition du pouvoir », ce qui a provoqué la consternation des manifestants et des observateurs internationaux qui espéraient que, sur le modèle de la transition qui se met en place en Algérie, l’organisation de nouvelles élections présidentielles puisse se faire d’ici la fin de l’année.
Des milliers de manifestants sont revenus devant le quartier général de l’armée, au entre de Khartoum, pour scander leurs refus d’une transition militaire. L’armée a instauré un couvre-feu pour un mois et a ordonné en début de soirée aux manifestants de rentrer chez eux pour leur propre sécurité.
La Sudanese Professionals Association, ou SPA, un des groupes de médecins, avocats et journalistes qui a dirigé les manifestations antigouvernementales de ces dernières semaines, a rejeté la « déclaration due coup d’Etat » des militaires et a appelé la population à poursuivre ses manifestations et à reprendre les sit-in devant le siège de l’armée jusqu’à ce que « le pouvoir soit transféré à un gouvernement de transition civil ».
Comme dans le cas de l’Algérie, tous les Soudanais sont dans la rue et exigent la chute du régime et non de recycler les mêmes personnes. Ce que veulent les peuples dans ce nouveau printemps arabe, c’est la fin des systèmes.
Jehanne Henry, directeur Afrique de l’Associated Human Rights Watch, a déclaré que la manière dont les nouvelles autorités soudanaises géreraient les nouvelles manifestations contre eux constituerait un test pour le nouveau régime : « Les manifestants qui regardent ont raison de rester sceptiques », a-t-elle déclaré, ajoutant qu’Ibn Auf « n’a pas de bilan du tout (…) les Etats-Unis l’ont sanctionné pour son rôle dans les atrocités commises au Darfour ».
Vendredi matin, le Conseil de sécurité des Nations unies doit débattre à huis clos de la situation au Soudan, selon la mission du Royaume-Uni auprès des Nations unies.
Jonathan Allen, représentant permanent du Royaume-Uni auprès des Nations unies, a déclaré jeudi que « le message principal est à nouveau qu’il ne doit y avoir aucune violence contre ces manifestants » : « Le changement proposé par l’armée n’est pas suffisant. Il ne suffit pas de dire que la transition de deux ans vers un régime civil est suffisante », a déclaré M. Allen. « Nous devons assister à une transition beaucoup plus rapide. Nous devons instaurer un régime civil maintenant. C’est ce que réclamaient les manifestants et c’est ce que nous devons faire » selon des propos rapportés par CNN.
L’ex président Omar el-Béchir se trouve dans un lieu gardé secret par l’armée.