La mairie de New York (Etats-Unis) va payer 3 millions de dollars à la famille d’Amadou Diallo. Le Guinéen avait été abattu, par la police en février 1999, d’une vingtaine de balles. L’affaire, qui n’est pas la première du genre, a beaucoup affecté la communauté africaine-américaine. Retour sur la fin tragique du jeune homme, qui n’avait que 22 ans.
Trois millions de dollars. C’est ce que la ville de New York (Etats-Unis) s’est engagée, mardi, à payer à la famille d’Amadou Diallo. La police avait tiré sur le Guinéen, en février 1999, à plus de quarante reprises. Une vingtaine de balles avait été retrouvée dans son corps. Amadou n’avait alors que de 22 ans. Suite à cette énième « bavure », les réactions d’indignation se sont succédées au sein des communautés africaine-américaine.
La somme accordée par New York reste loin de celle demandée par la famille d’Amadou. Elle réclamait 20 millions de dollars à la mairie de New York et 41 autres aux policiers incriminés. 41, en référence au nombre de balles tirées sur Amadou. Avec trois millions à l’arrivée, l’avocat de la famille Diallo estime que la famille a remporté une petite victoire. Même si la majeure partie de l’argent servira à couvrir les frais de justice. Boubah rapporte que, selon Maître Anthony Glair, la décision de la ville représente « le plus important paiement à une personne sans emploi » et démontre la volonté du nouveau maire de la ville, Michael Bloomberg, de faire un geste de réparation. Ce qui ne semblait pas être le cas de son prédécesseur, Rudolph Giuliani. Les deux hommes ont toutefois présenté leurs excuses à la famille de la victime.
Un jeune homme tranquille
Amadou était un jeune homme sans histoire. C’est le sentiment le plus récurrent chez ceux qui le connaissaient. Le musulman pratiquant vivait depuis plus de deux ans à Soundview, un quartier du Bronx (Etat de New York) où la diaspora africaine est très implantée. Il était parti de son pays natal pour étudier. Selon divers journaux, il vendait aussi des chaussettes, des gants et des vidéos dans une rue de Manhattan. Une description que sa mère, Kadiatou, juge erronée et dément formellement dans un livre devenu best-seller, « Mon cœur traversera cet océan ». Loin de rompre le contact avec ses origines, Amadou envoyait une bonne partie de ses revenus à sa famille, restée au pays.
Le 4 février 1999, c’est le drame. Il est arrêté devant son immeuble par une patrouille de l’Unité des crimes, dont la principale fonction est de saisir les armes illégales qui circulent dans la rue. Ce soir-là, les quatre officiers, blancs et en civil, qui interpellent Amadou ont une autre mission : trouver un violeur noir d’une vingtaine d’années. Le croquis distribué aux policiers peut correspondre, d’après certains journaux, à n’importe quel jeune noir vivant dans les environs. Le jeune Guinéen était au mauvais là au mauvais endroit, au mauvais moment.
Deux chargeurs vidés
Les officiers lui demandent de décliner son identité. Il plonge la main dans sa poche pour prendre son portefeuille et présenter ses papiers. L’Unité croit qu’il va sortir une arme. La fusillade commence. Selon le Monde socialiste, les officiers Sean Carroll et Edward McMellon tirent chacun les seize balles de leur chargeur. Kenneth Boss se sert de son arme à cinq reprises et Richard Murphy fait feu quatre fois. Quarante et une balles. La moitié toucheront Amadou. Il meurt quelques instant plus tard. Il n’était pas armé.
En guise de sanction, la hiérarchie des quatre policiers, qui plaidaient la légitime défense, les cantonnera à des tâches administratives. La justice tranchera en acquittant tous les officiers et « le gouvernement fédéral refusera de les poursuivre pour atteintes aux droits civiques de Amadou Diallo en estimant qu’il n’y avait pas de mauvaises intentions de la part des policiers », explique Boubah. L’homme froidement abattu aura droit à un mémorial à Harlem. Un sentiment de colère s’empare de la communauté noire-américaine du Bronx et donne naissance à diverses manifestations. Beaucoup s’interrogent : bavure ou acte raciste ?
Impact politico-culturel
L’affaire prendra une dimension politique. Le politicien Al Sharpton reprochera notamment à ses pairs leur passivité face au traitement que font subir les autorités aux minorités raciales, en particulier afro et hispanique. Côté artistique, certains chanteurs se révoltent. A L’image de l’américain Bruce Springsteen. Il a écrit un titre (« American Skin, 41 Shots »), où le nom d’Amadou n’est pas cité, mais qui ne peut prêter à confusion. Elle commence par « 41 tirs », répété huit fois, et se poursuit plus loin avec les recommandations d’une mère à son fils avant qu’il ne parte à l’école : « Si un officier t’arrête, promets-moi d’être poli et que tu ne t’enfuiras pas. Promet à maman que tu garderas tes mains visibles ». Une démarche qui a attiré à l’artiste les foudres d’une frange de la police.
Le souvenir d’Amadou Diallo ne mourra pas. Sa mère a crée la Fondation Amadou Diallo qui encourage l’entente raciale et offre des bourses d’études aux Africains qui veulent, comme Amadou, étudier aux Etats-Unis. Gageons, qu’eux, pourront réaliser leur rêve.
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