Infoshare : un site pour aider les petits producteurs des pays en développement à s’informer sur les cours mondiaux des matières premières. L’initiative onusienne vise à palier le manque d’accès aux analyses détaillées des prix internationaux. Une base de données en ligne est expérimentée, depuis mars dernier, au Cameroun, pour mesurer l’efficacité du système.
Par Floréal Sotto
Internet pour lutter contre l’isolement des petits agriculteurs. L’idée est simple : mettre en place une base de données, accessible en ligne à tous les producteurs, de manière à ce qu’ils puissent être informés en temps réel des cours mondiaux. Cette démarche doit permettre de désenclaver les agriculteurs isolés, à la merci de leurs intermédiaires. Car le problème est connu : «les producteurs africains de café et de cacao, par exemple, gagnent un douzième du tarif international pour leurs récoltes », indique-t-on à la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement (CNUCED), organe à l’initiative du projet. Cette base de données, INFOSHARE, est en expérimentation depuis sept mois au Cameroun.
Le manque d’informations joue contre les producteurs
« La plupart des petits producteurs sont en prise directe avec le marché, mais ils ne peuvent pas calculer le prix bord champ (prix payé au producteur) sans être informés des prix internationaux. Cela réduit leurs possibilités de négociations et donne l’avantage aux intermédiaires plus expérimentés », affirme Olivier Matringe, économiste à la CNUCED. L’organisme affirme également, dans son article Cameroun : produire en l’absence de données, que les fluctuations du marché ne profitent jamais aux petits producteurs, par manque d’informations sur l’instabilité des cours, qui varient d’au moins 30% au niveau mensuel. Les producteurs ne peuvent donc pas adapter leurs stocks et vendent leurs récoltes sans stratégie à des intermédiaires qui sauront profiter, eux, des meilleures conjectures. Par ailleurs, ce manque d’informations les empêche également de prévenir la surproduction et de diversifier, le cas échéant, leurs cultures.
Calculer soi-même le prix de vente
« La base de donnée INFOSHARE (qui n’est pas ouverte au public pour le moment) a pour objectif principal de collecter des informations et de les partager entre les principaux acteurs camerounais », indique M Matringe. « Cela permet aux producteurs et aux coopératives de calculer eux-mêmes leur prix de vente, en tenant compte du prix international, mais aussi des prix intermédiaires (transport locaux, stockage, engrais, insecticides…) » Ce procédé améliore la transparence et permet d’élaborer des stratégies à l’échelle nationale et locale. A long terme, cela doit permettre de gérer les risques d’investissement.
Après six mois d’observation, le système s’avère un outil intéressant, mais il doit être développé davantage. Le Cameroun a ainsi fait remarquer que les informations doivent être précisées par bassin de production. « Entre le Nord et le Sud du Cameroun, les prix bord champ peuvent varier de 60%. Les agriculteurs proches du port de Douala sont en effet moins contraints par le prix des transports locaux que les agriculteurs des campagnes éloignées », explique M Matringe. Une nouvelle version indiquant les fluctuations en fonction des régions de production a donc été élaborée et fonctionne depuis le début du mois de septembre.
Par ailleurs, la CNUCED reconnaît que l’instrument, malgré tous les intérêts qu’il suscite, ne permet pas encore d’atteindre vraiment les petits planteurs. A long terme, elle espère pouvoir passer directement par les « Groupements à Vocations Agricoles » (des coopératives) afin de cibler davantage son action. Elle espère également permettre aux agriculteurs d’obtenir ces informations par le biais d’émissions radiophoniques diffusées deux fois par jour sur les radios locales.
A long terme, ce projet pourrait être étendu à l’ensemble de l’Afrique, mais aussi en Asie et en Amérique du Sud. Cela permettrait de rétablir une transparence, d’améliorer l’efficience des marchés, de planifier l’investissement, et de renforcer le pouvoir de négociation. Les pays qui manifesteront de l’intérêt pour ce projet pourront devenir partenaires de la CNUCED. Il leur suffira, en échange de l’outil fourni, de témoigner d’un véritable souci de transparence.
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