Selon une nouvelle étude, les médias, qui manquent de moyens, ne remplissent pas leur mission auprès des populations rurales dans les pays en développement, les populations les plus vulnérables aux changements climatiques et qui ont particulièrement besoin d’informations pour se protéger des cyclones, toujours plus intenses, et des sécheresses, de plus en plus longues.
« Les journalistes ont besoin de moyens et de soutien de la part de leurs rédactions en chef pour avoir accès aux régions rurales et voir comment les gens … surmontent et s’adaptent aux changements climatiques – ces articles peuvent être utiles aux gens vivant dans une autre région du monde », a dit Mike Shanahan, en charge de la presse à l’Institut International pour l’Environnement et le Développement (IIED), basé à Londres, organisme qui a contribué à l’étude ‘Changements climatiques et médias’.
« Ce qui se dégage des recherches les plus récentes, c’est que, alors même que la couverture des changements climatiques dans les pays non industrialisés augmente, la quantité et la qualité des reportages ne correspondent pas à l’ampleur du problème », a-t-il écrit. La confiance est plus grande vis-à-vis des agences de presse occidentales que des informations locales pertinentes, bien que les journaux indiens constituent une exception.
« Cela, couplé à une couverture insuffisante de l’adaptation, a des implications pour les populations démunies, qui ont un besoin urgent d’informations pour se préparer aux conséquences du changement climatique ». Selon la Banque Mondiale, trois personnes pauvres sur quatre vivent dans des zones rurales.
Certains fermiers mozambicains considèrent que les changements climatiques sont des punitions divines ou sont la conséquence d’une guerre civile longue de 16 ans, a indiqué M. Shanahan, citant une étude de l’Institut Panos Afrique australe, un organisme indépendant d’informations régionales et de communication qui a interrogé les fermiers.
Panos a relevé que les journalistes locaux couvrent rarement les changements climatiques, pourtant le Mozambique fait partie des cinq pays à bas revenus les plus vulnérables à l’augmentation du niveau de la mer et aux ondes de tempête causées par les changements climatiques.
Lors d’une étude portant sur les médias vietnamiens en 2006, aucun article d’investigation sur le changement climatique et aucune mention de vulnérabilité ou d’adaptation n’ont été retrouvés. « Ces articles ne faisaient pas le rapprochement entre le changement climatique et les configurations locales ou la vie quotidienne des Vietnamiens, et les explications scientifiques étaient faibles », a commenté l’étude.
« En conséquence, lorsque les impacts du changement climatique deviendront plus importants, cela sera une grosse surprise pour ce gens », a dit M. Shanahan à IRIN.
« Il est tragique que les médias ne soient pas capables de couvrir les changements climatiques, qui ont un impact énorme sur les moyens d’existence des gens vivant dans les pays en développement », a déclaré Foster Dongozi, président de l’Association des journalistes d’Afrique australe.
« Le manque d’information et de formation pousse les journalistes à éviter ce sujet, et les rédacteurs donnent souvent la priorité aux sujets politiques ou aux sports, par rapport aux articles sur le changement climatique, » a-t-il précisé.
Selon M. Shanahan, de l’IIED: « la perception du changement climatique, qui ne serait qu’un sujet sur l’environnement ou la science, a changé – cela englobe désormais l’économie, la santé et la sécurité et plus ; c’est maintenant un sujet politique majeur ».
Faire passer l’information
La multiplication des impacts du changement climatique est sans précédent, et la nécessité de créer un pool d’informations qui peuvent être partagées est d’une importance critique. La radio, avec sa très large diffusion et l’utilisation de dialectes locaux, constitue un outil vital pour faire parvenir les informations aux gens vulnérables vivant dans les zones rurales.
En octobre 2008 au Nigeria, l’association African Radio Drama a commencé à diffuser, pour une audience de 200 000 personnes dans le milieu rural, une série de 26 épisodes, qui comprend des informations pratiques sur l’adaptation au changement climatique. « Après chaque épisode, les auditeurs peuvent [appeler pour participer] à un programme [interactif] et poser leurs questions à un expert local », a écrit M. Shanahan.
Le programme nigérian est financé par des donateurs internationaux, et avec le soutien financier adéquat, de telles initiatives pourraient se reproduire. « Nous avons réalisé … [quelle] pénétration a la radio en Afrique », a dit Mary O’Neill, chargée de la communication du programme Adaptation aux changements climatiques en Afrique (ACCA), géré par le Centre de recherches pour le développement international (CRDI), basé au Canada.
En 2008, le CRDI a financé un projet de radio dans l’ouest du Kenya, qui diffusait « des prévisions consensuelles » réalisées par le Climate Prediction and Application Centre (ICPAC), basé à Nairobi, un centre de prévisions climatiques, ainsi que par les faiseurs de pluie du clan Nganyi, qui vit dans l’ouest du Kenya.
« Les communautés qui ont basé depuis des générations leur programme saisonnier sur des connaissances indigènes se méfient des étrangers qui prétendent qu’il savant mieux faire, et qui parlent un langage technique bien éloigné des besoins des ruraux », a dit Mme O’Neill.
Les prévisions météo intégrées et les alertes étaient traduites en Luhya, la langue locale, et en Kiswahili, et diffusées sur le service en Luhya de la Kenya Broadcasting Corporation et sur Mulembe FM, avec des interviews d’un chef de la communauté.
Les gouvernements manquent souvent de ressources pour monter par eux-mêmes de tels projets, mais les bailleurs de fond « soutiennent de plus en plus les efforts de formation des journalistes dans les pays non industrialisés pour se familiariser avec les complexités scientifiques et politiques du changement climatique », a écrit M. Shanahan.
Le programme ACCA est un partenariat réunissant le CRDI et le Département britannique d’aide au développement international (DFID), il a essayé de réunir des chercheurs africains et des journalistes pour une formation conjointe afin de diffuser l’information sur le changement climatique et l’adaptation.
M. Shanahan a déclaré qu’il était temps pour les médias des pays en développement de s’adapter, et que « les sources de financements et les informations dont ils … dépendent » devraient changer.