La Bulgarie a appelé dans une lettre, mercredi, les pays de l’Union européenne et la communauté internationale à intervenir pour la libération des infirmières bulgares. En France, l’un de leurs avocats, Antoine Alexiev, a également adressé une lettre au Président de la République afin de faire pression sur le gouvernement libyen. Il revient sur sa démarche.
Antoine Alexiev est l’un des quatre avocats français, membres d’Avocats sans frontières, qui défendent les cinq infirmières bulgares et le médecin palestinien. Injustement condamnés pour avoir inoculé le virus du sida à 426 enfants libyens, dont certains sont traités en France, ces membres du corps médical souffrent depuis huit ans le martyre, dont six dans les prisons de La Grande Jamahiriya arabe libyenne. Leur condamnation à la peine capitale a été encore confirmée le 19 décembre dernier. Un verdict condamné par l’ensemble de la communauté internationale et l’association abolitionniste, Ensemble contre la peine de mort (ECPM).
Afrik.com : Quel est le dernier recours dont disposent les infirmières bulgares et le médecin palestinien condamnés à mort en Libye ?
Antoine Alexiev : La Cour suprême va statuer en dernier recours, elle fonctionnera comme une cour d’appel en dernier ressort. Elle va tout rejuger afin de soit confirmer le dernier jugement, soit prononcer un acquittement ou une autre peine comme la prison à perpétuité ou encore ordonner une expertise.
Afrik.com : Que suppose l’ordonnance d’une expertise ?
Antoine Alexiev : L’expertise permettra de faire valoir les conclusions des scientifiques anglais qui innocentent nos clients. Ce qui n’a pas été possible lors du dernier procès. Elles démontrent que les contaminations sont antérieures à leur arrivée en Libye.
Afrik.com : Le gouvernement bulgare a adressé une lettre à l’Union européenne et à la communauté internationale pour qu’elles interviennent en faveur de la libération de leurs ressortissantes et du médecin palestinien. Que faites-vous pour contrecarrer le verdict du 19 décembre ?
Antoine Alexiev : Sur le terrain, les avocats libyens vont interjeter l’appel, si ce n’est déjà fait. Nous communiquons difficilement avec les avocats libyens qui sont mis sur écoute. En France, j’ai adressé mercredi une lettre au président de la République, Jacques Chirac, dans laquelle je demande à l’Etat français d’interdire à tout avocat libyen de plaider en France puisque nous n’avons pas eu le droit de le faire en Libye. Je demande, en d’autres termes, à l’Etat de constater le défaut de réciprocité. Bien évidemment, cette démarche n’a aucune incidence directe sur l’affaire. Elle est de nature politique et nous espérons qu’elle aura une influence sur les négociations parallèles qui sont en cours. Les autorités libyennes doivent se rendre compte que le sida ne s’arrête pas aux frontières de leurs pays, que la maladie touche tout le monde, qu’on ne la traite pas en accusant injustement des gens, qu’on ne traite pas non plus des êtres humains comme ils le font. C’est le message que nous souhaitons aujourd’hui leur transmettre.
Afrik.com : Vous comptez également inviter les experts libyens en Europe…
Antoine Alexiev : Nous souhaitons organiser des débats scientifiques là où ils le souhaiteront avec leurs homologues européens. Le week-end précédent l’annonce du verdict, les experts libyens ont en effet tenu une série de conférences de presse, notamment à Genève, durant lesquelles ils ont tenté de démontrer que leurs conclusions étaient les bonnes. Je vais également demander un droit de réponse aux journaux libyens, des medias d’Etat, qui deux ou trois jours avant l’audience, ont violemment pris à parti les experts européens.
Afrik.com : Quelle issue espérez-vous aujourd’hui ?
Antoine Alexiev : Un acquittement, mais c’est peut-être beaucoup demander aux autorités libyennes. Une issue plus raisonnable serait une peine d’emprisonnent à effectuer en dehors de la Libye. Pour les infirmières bulgares, cela ne pose aucun problème parce qu’elles seront récupérées par le pays, mais la situation est plus complexe en ce qui concerne le médecin palestinien. L’acquittement demeure par conséquent l’issue la plus souhaitable.