Sans surprise, les rebelles touareg du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), ont proclamé l’indépendance de cette région du Mali. L’indépendance ainsi déclarée a déclenché une vague d’inquiétude et de confusion au Mali ainsi qu’en Afrique. Cette déclaration d’indépendance, longtemps pressentie et prévisible, intervient peu après une réunion des chefs d’état-major de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), jeudi 5 avril à Abidjan, dans le but de constituer une force commune d’intervention militaire au Mali.
L’annonce d’indépendance unilatérale des rebelles du Nord-Mali depuis le putsch contre le président malien, Amani Toumani Touré, a résonné au Mali, en Afrique et partout ailleurs dans le monde, comme un coup de tonnerre ce matin. Les rebelles touareg du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) ont publié un communiqué sur leur site pour l’annoncer. L’inquiétude et la confusion sont donc de mise au Mali. Cette déclaration intervient peu après une réunion des chefs d’état-major de la Cédéao, jeudi 5 avril à Abidjan, dans le but de constituer une force commune d’intervention militaire au Mali. Voici en quelques lignes les réactions et prises de position suite à cette annonce.
« La situation est très, très préoccupante »
La réaction de l’Algérie, pays frontalier du Nord-Mali ne s’est pas faite attendre. Dans une interview accordée au Monde ce matin, le Premier ministre algérien, Ahmed Ouyahia, a estimé que la « situation est très, très préoccupante ». Tout en mettant en lumière les motifs ou raisons de réclamation des rebelles, il évoque « d’abord un problème entre les gens du Nord, les Touareg, et l’autorité centrale au Mali, lié au sous-développement et à la faiblesse d’un Etat en charge de toute la problématique de son territoire », il a tenu à marteler que « l’Algérie n’acceptera jamais une remise en cause de l’intégrité territoriale du Mali », et « demande le rétablissement de l’ordre constitutionnel au Mali », préconisant ainsi une fois de plus le chemin du dialogue comme solution au problème.
« Une coopération internationale et sous-régionale »
M. Ouyahia a également fustigé la gestion des crises en Afrique par les Occidentaux, laissant paraître ici comme une sorte d’appel à la capacité des dirigeants africains, à davantage s’investir dans les processus de gestion de crises, de prise de décision et à y jouer des rôles plus déterminants, « chaque fois qu’un acteur étranger joue un rôle essentiel, c’est un dérapage programmé, immédiat ou six mois plus tard : les exemples sont nombreux ». Et de pointer aussi le terrorisme ambiant dans la zone sahélienne plaidant par la même occasion pour « une coopération internationale et sous-régionale du Comité d’état-major opérationnel conjoint (Cemoc) pour maîtriser le terrorisme dans cet espace terriblement vaste, terriblement vide, qu’est le Sahel ». Enfin le numéro 1 du gouvernement algérien a fait entendre que le Cemoc regroupant l’Algérie, le Niger, le Mali et la Mauritanie, se réunirait « dans les prochains jours » à Nouakchott pour examiner la situation au Mali.
« La France est attachée à l’intégrité territoriale du Mali »
La France, par la voix de son ministre de la Défense, Gérard Longuet a estimé ce matin lors d’une conférence de presse qu’ « une déclaration d’indépendance unilatérale qui ne serait pas reconnue par les Etats africains n’aurait pas de sens ». Rappelons que son collègue des Affaires étrangères, Alain Juppé, avait déjà fait entendre dans une interview donné à l’AFP, que « cette revendication pourrait conduire, dans le cadre d’un dialogue national, à une forme d’autonomie assortie d’une politique ambitieuse de développement. Le Nord n’a pas assez bénéficié pour l’instant d’efforts de développement aussi importants que le Sud du pays », prenant également le soin de rejeter toute idée d’indépendance dudit Nord-Mali et d’affirmer l’opposition de la France à celle-ci : « ce n’est pas acceptable pour nous qui sommes très attachés à l’intégrité territoriale du Mali ». Cette après-midi, lors d’une conférence de presse, il a réaffirmé sa position en refusant « la déclaration unilatérale d’indépendance qui a été faite par l’un des mouvements qui anime aujourd’hui ce qui se passe dans le nord du Mali, le MNLA », en insistant une fois de plus sur le fait que « la France est attachée à l’intégrité territoriale du Mali » et qu’ « il n’est pas question de remettre en cause la souveraineté de ce pays ».
Un « désastre humanitaire »
Amnesty International a de son côté fait part de son inquiétude et martelé l’urgence à réagir aux conditions sociales et politiques qui ne font qu’envenimer la situation. La région se trouve en effet quasiment « au bord du désastre humanitaire» à cause d’une forte sécheresse qui bat son plein dans la zone, de violences et de graves atteintes aux droits de l’homme qui y sont commises en permanence.
Des ONG présentes au Mali, comme Oxfam et World Vision, exigent, pour leur part, la levée de l’embargo imposé par la Cédéao. La première craint que « la combinaison des conséquences dévastatrices des combats et de l’insécurité ainsi que l’aggravation de la situation alimentaire ne produise un plus grand nombre de réfugiés dans la région », d’autant plus qu’on dénombre déjà plus de 210 000 réfugiés et déplacés depuis le déclenchement de la rébellion du MNLA à la mi-janvier 2012. La deuxième parle de « l’impact négatif et de grande envergure » des sanctions sur les populations démunies, soulignant que « la fermeture des frontières signifie que les prix des denrées alimentaires, déjà élevés, vont encore augmenter et être hors de portée des plus pauvres ».
Le front anti-junte, qui regroupe partis politiques et organisations de la société civile, par le biais de son Président Siaka Diakité, a lancé un appel à l’égard des Nations unies à intervenir d’urgence « pour éviter une catastrophe humanitaire », particulièrement à Gao où « des menaces d’interruption des fournitures d’eau et d’électricité planent » et où « des enlèvements de petites filles sont également signalés ».
La communauté internationale contre une scission du territoire
Catherine Asthon, Haut représentant de l’Union européenne pour les Affaires étrangères affirme que l’UE « refuse toute remise en cause de l’intégrité territoriale du Mali » et exige une « restauration de l’ordre constitutionnel » avant d’envisager une quelconque solution. L’Union africaine (UA), par la voix du président de la Commission, Jean Ping, a quant à elle fait entendre qu’elle « rejette totalement la prétendue déclaration », en mettant notamment l’accent sur le « le principe fondamental de l’intangibilité des frontières héritées par les pays africains lors des indépendances », avant de conclure que l’UA « condamne fermement cette annonce, qui est nulle et sans aucune valeur, et qu’il appelle toute la communauté internationale à soutenir pleinement cette position de principe de l’Afrique ». Le diplomate africain a également réitéré son soutien aux efforts de la Cédéao pour prendre des mesures concrètes pour protéger l’unité et l’intégrité territoriale de la République du Mali, y compris par le déploiement de sa brigade en attente.
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