L’Assemblée nationale française a adopté, jeudi, à l’aube, le projet de loi sur l’immigration. Le texte, qui doit passer devant le sénat, légalise notamment jusqu’au 31 décembre 2010 le recours controversé aux tests ADN dans le cadre du regroupement familial. D’autres mesures durcissant le rapprochement des familles ont par ailleurs été votées.
4h20. Voici l’heure à laquelle l’Assemblée nationale française a adopté, jeudi, le projet de loi sur l’immigration du ministre Brice Hortefeux. Parmi les mesures votées, qui doivent passer au Sénat, deux sont controversées. L’une permet le recensement des origines raciales ou ethniques à des fins de recherches sur « la mesure de la diversité des origines des personnes, de la discrimination et de l’intégration ». L’autre instaure l’utilisation de tests ADN pour justifier la filiation d’une personne qu’un résident en France souhaite faire venir – une proposition qui a fait couler beaucoup d’encre ces derniers jours.
Test volontaire sur « consentement express »
L’amendement sur l’ADN du député Thierry Mariani (UMP) a été voté dans une version modifiée pour apaiser les vives tensions qu’il a suscitées. Le recours à l’examen génétique sera expérimenté jusqu’au 31 décembre 2010 et une commission d’évaluation sera chargée d’étudier « annuellement les conditions de [sa] mise en œuvre ». L’amendement indique que le test se fera sur « consentement express » du demandeur, qui sera remboursé en cas de délivrance du visa. Un remboursement que ne prévoyait pas le texte de Thierry Mariani.
Les modalités d’application seront fixées par décret. Il est d’ores et déjà question que le recours ne soit valable que dans les pays « dans lequel l’état civil présente des carences », « en cas d’inexistence de l’acte d’état civil » ou d’un « doute sérieux » sur l’authenticité du document. Restera à définir la liste des Etats rentrant dans l’une de ces catégories, ainsi que « les conditions dans lesquelles [seront] habilitées les personnes autorisées à procéder à ces examens ».
Levée de boucliers
Malgré les quatre sous-amendements ajoutés pour mieux faire passer la pilule, les réactions hostiles commencent à fleurir. La députée socialiste George Pau-Langevin a déclaré à Reuters que l’amendement de Thierry Mariani était « gravement entaché constitutionnellement. C’est une mauvaise action. Nous le déférerons au conseil constitutionnel ». Le communiste Patrick Braouezec a quant à lui indiqué qu’avec « ce texte vous allez imposer un modèle basé sur l’exclusion ».
Au sein même du gouvernement, Martin Hirsch a déclaré à RTL : « Je ne suis pas favorable à cette idée et je compte sur le Sénat (…) pour ne pas s’engager dans cette voie ». Le Haut commissaire aux solidarités actives devient ainsi le troisième ministre de « l’ouverture » à émettre des réserves sur le texte, après le ministre des Affaires Etrangères, Bernard Kouchner, et la secrétaire d’Etat chargée de la politique de la Ville, Fadela Amara.
Le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (Mrap) dénonce pour sa part un « poids et un affront à l’endroit de tous ceux et toutes celles pour qui l’éthique, la morale, le respect des droits fondamentaux doivent en toute circonstance prévaloir sur l’acharnement contre les immigrés et l’obsession de les désigner comme un objet jetable et corvéable, et non comme un sujet de droit et de dignité ».
Durcissement du regroupement familial
D’autres amendements concernant le regroupement familial étaient aussi au programme dans l’hémicycle. Toute personne de plus de 16 ans et de moins de 65 ans, y compris les conjoints de Français, souhaitant venir dans l’Hexagone dans ce cadre, devra passer « une évaluation de son degré de connaissance de la langue et des valeurs de la République ». En cas d’échec, elle aura l’obligation de suivre une formation, gratuite, car l’obtention du visa sera conditionnée par une « attestation de suivi de cette formation ».
Quant aux hôtes, ils devront justifier de ressources « au moins, égales » au SMIC et « au plus, égales à ce salaire majoré d’un cinquième ». Pour le regroupement de foyers de « six personnes ou plus », les revenus devront atteindre 1,33 fois le SMIC. A charge également pour les accueillants de conclure « avec l’Etat un contrat d’accueil et d’intégration, par lequel ils s’obligent à suivre une formation sur les droits et les devoirs des parents en France ». En cas de rupture de cet accord, le versement des allocations familiales pourrait être suspendu.
Régularisations « à titre exceptionnel »
A noter que, concernant le droit d’asile, les demandeurs déboutés auront 15 jours, contre un mois actuellement, pour faire appel devant la Commission de recours des réfugiés. L’Office français des réfugiés et apatrides (Ofpra) dépendra désormais du ministère de l’Immigration et non plus de celui des Affaires Etrangères.
Par ailleurs, les immigrés ayant un statut de résident depuis plus de dix ans recevront une carte de résident illimitée en lieu et place de la carte de dix ans. Les travailleurs immigrés exerçant dans des professions ou des zones où le recrutement est ardu seront de leur côté régularisés « à titre exceptionnel ».