L’Afrique subsaharienne est la région du monde d’où l’on émigre le moins vers l’Europe, révèle une étude menée par deux chercheurs, David Lessault et Cris Beauchemin, pour le compte de l’Institut National des Etudes Démographiques (INED). Elle a été publiée ce jeudi dans la revue Population et société. On est bien loin de la déferlante décrite par certains politiques et médias en France.
L’idée reçue selon laquelle les Africains immigrent massivement en France et en Europe vient d’être battue en brèche. «Il n’y a pas plus d’exode en Afrique subsaharienne qu’il n’y a d’invasion de Subsahariens en Europe», révèle une étude parue le 19 février dans la revue Population et sociétés, de l’Institut National des Etudes Démographiques (INED). Chiffres à l’appui, l’étude, menée par David Lessault et Cris Beauchemin, tous deux chercheurs à l’INED, démontre ainsi que l’immigration subsaharienne reste « minoritaire en France ou en Europe, que l’on considère les entrées annuelles de migrants ou la population immigrée ». «Récente» et d’un apport «modeste», elle représentait, en 2004, 12% seulement de l’ensemble des immigrés en France, soit trois fois moins que l’immigration maghrébine et européenne, et ce bien qu’elle ait fortement augmenté ces dernières décennies, se multipliant par 27 depuis 1962 (de 20000 en 1962 à 570000 en 2004). Une hausse « certes spectaculaire, mais on partait de très bas », indiquent les chercheurs.
En 2000, moins d’un Subsaharien sur cent vivait dans un pays de l’OCDE
Entre 1997 et 1998, époque du lancement d’une campagne de régularisations par le gouvernement Jospin, un «pic d’entrée» a été enregistré. Mais celui-ci correspond en réalité à « une augmentation du nombre de titres (de séjour, ndlr) délivrés à des personnes entrées sur le territoire national depuis plusieurs années (en moyenne six) ». Au final, les bénéficiaires subsahariens du fameux sésame à cette époque représentaient seulement 40% de l’ensemble des ressortissants régularisés. «Quelle que soit la période considérée, aucun pays d’Afrique subsaharienne ne figure dans le trio de tête des bénéficiaires des régularisations ; ce sont l’Algérie, le Maroc et la Chine qui y figurent», poursuit l’étude. Même en incluant les irréguliers qui n’avaient pu obtenir de titre de séjour en 1998, « les Africains représentaient en 1999 moins de 11% de la population immigrée totale». Sur l’ensemble des pays de l’OCDE, les Subsahariens ne formaient pas plus de 4% des immigrés en 2000, soit « moins d’une personne sur cent née au Sud du Sahara et âgée d’au moins 25 ans ».
La France n’accueille qu’une « infime partie » des réfugiés subsahariens
Selon cette étude, les migrations à l’intérieur des pays africains sont beaucoup plus importantes que vers l’Europe : « En 1990, le réseau d’enquêtes sur les migrations et l’urbanisation en Afrique de l’Ouest (REMUAO) a enregistré 22000 migrations de l’Afrique de l’Ouest vers l’Europe, contre 258000 migrations ente pays de cette région africaine ».
Autre mythe qui s’effondre : les réfugiés fuyant les conflits dans certaines régions d’Afrique sont beaucoup plus nombreux à rejoindre des pays voisins qu’à se rendre en Europe, qui n’accueille «finalement qu’une infime partie» d’entre eux. Ainsi, «en 1999, neuf réfugiés sur dix originaires de la République démocratique du Congo étaient restés en Afrique. Il en était de même pour 96% des réfugiés libériens, 93% des Tchadiens et 88% des Rwandais».
Le vieux continent reste toutefois la première destination de la « minorité » migrante qui décide de quitter l’Afrique. Mais la France, autrefois destination première des Subsahariens, a reculé à la deuxième place, tandis que de nouveau pays de destination ont récemment émergé, comme l’Espagne et l’Italie. Mais même dans ces pays, les Subsahariens restent bien peu nombreux par rapport aux autres populations immigrantes (4% en Espagne et 8% en Italie). On est bien loin de l’image d’immigrants africains débarquant en masse sur les plages du nord de la méditerranée, souvent véhiculée par les médias en Europe.
Consulter l’étude