Le styliste camerounais Imane Ayissi a présenté, dimanche à Paris, Fashion Paradise, sa dernière collection haute couture. Un défilé placé sous le signe de la couleur qui a agréablement surpris un public habitué, depuis deux ans, à des univers créatifs unicolores. Explications du principal intéressé qui jette par ailleurs un regard amer sur la mode africaine.
Fini la monochromie, la mode 2004, selon Imane Ayissi, se décline en couleurs. Après le Blanc de « Vogue Afrique », la collection 2003, et le noir de « Glamour for ever » en 2002, le styliste camerounais a opté pour la couleur et les imprimés. Au lendemain de son défilé, dimanche dernier à Paris, il revient sur ses nouvelles orientations créatrices et nous confit son sentiment sur la mode africaine.
Afrik : Les créations présentées dimanche montrent un nouveau visage de votre mode. Pourquoi avez-vous décidé de passer à la couleur ?
Imane Ayissi : Je voulais passer à autre chose. Cela correspond à la fois à une autre vision de la mode et à un changement d’état d’esprit. C’est vrai que le public a, au départ, été surpris de voir des imprimés dans le défilé, après le total noir de « Glamour for ever » et le total blanc de « Vogue Afrique ». Mais à chaque collection correspond un thème.
Afrik : Est-ce le même travail créatif entre l’uni et la couleur ?
Imane Ayissi : Pas vraiment mais il faut reconnaître qu’il n’est pas évident, par exemple, de réaliser toute une collection en noir. Il faut beaucoup jouer avec le mouvement, les tombés et les drapés.
Afrik : Quels types de tissus avez-vous employé pour cette collection 2004 ?
Imane Ayissi : J’ai utilisé beaucoup d’imprimés, comme le wax ou le fancy. J’ai également utilisé l’indigo et le « Mon mari est capable » (tissu artisanal teint aux motifs fluide, considéré comme une étoffe luxueuse au Cameroun, ndlr). J’ai aussi beaucoup joué sur les matières avec la dentelle, le velours, la tulle, la mousseline.
Afrik : Combien de temps de travail pour réaliser cette collection ?
Imane Ayissi : Les 57 modèles m’ont demandé 10 mois de travail.
Afrik : Il s’agit ici de haute couture. Vos créations sont-elles pour autant des vêtements à vivre ?
Imane Ayissi : Il y a des robes de haute couture qui sont faites juste pour le défilé, parce qu’il faut que les choses soient grandioses, mais certaines pièces sont tout à fait portables. En fait, je les décline pour qu’elles le soient, en enlevant une traîne ou un gros nœud volumineux. Il devient tout de suite plus facile de bouger dans le vêtement.
Afrik : Au-delà de vos collections, quel regard portez-vous sur la mode africaine ?
Imane Ayissi : Les créateurs africains ont beaucoup de talent. Le problème, c’est que la mode africaine est boudée par les Africains. Ils la sous-estiment et la considèrent parfois avec une sorte de mépris. Ou en ont tout simplement honte. Alors que personne ne trouve rien à redire quand les grands couturiers occidentaux s’inspirent de l’Afrique dans leurs créations qui se vendent à prix d’or.
Afrik : La mode africaine est donc dans l’impasse ?
Imane Ayissi : Si personne n’achète la mode africaine, c’est tout une industrie culturelle qui est en panne. Cela veut dire pas de photographes, pas de maquilleurs, pas de coiffeurs… Pour l’instant on fait pour faire. Il n’y a pas vraiment de moyen et le secteur n’est pas bien structuré. Tant que l’on fonctionnera comme ça, nous n’irons nulle part.
Afrik : Vous jouissez d’une bonne notoriété dans le milieu de la mode. Estimez-vous avoir un rôle de modèle pour les stylistes africains ?
Imane Ayissi : Ce n’est pas à moi de le dire. Mais je crois qu’il faut cimenter la place pour les générations futures. Pour qu’ils puissent bâtir par-dessus. Le tout n’est pas de se faire un nom : il faut aussi avancer. Car il y a beaucoup d’yeux qui sont braqués sur vous.
Afrik : Quels stylistes africains admirez-vous ?
Imane Ayissi : J’aime bien le travail de Xuly Bët et de Patéo (les célèbres chemises de Nelson Mandela, ndlr). J’apprécie aussi beaucoup quelqu’un comme Parfait Behaim (Cameroun, ndlr) ou Black Girafe (Ivoiro-camerounaise, ndlr). Côté bijoux j’aime bien ce que fait l’Ivoirien Michael Kra.
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