Îles Chagos : Washington s’immisce dans les négociations entre Londres et Port-Louis


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Îles Chagos
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Les négociations entre le Royaume-Uni et Maurice concernant la souveraineté des îles Chagos connaissent un tournant important. Alors que l’accord sur cette question est en pleine renégociation, Washington a pris l’initiative de s’inviter dans le processus. Le secrétaire d’État américain Antony Blinken a récemment pris contact avec le Premier ministre mauricien, Navin Ramgoolam. Ce qui souligne l’importance stratégique de l’archipel pour les États-Unis.

Bien que Londres ait officiellement reconnu la souveraineté de Maurice sur les Chagos en octobre dernier, les modalités de l’accord demeurent sources de tensions, notamment en ce qui concerne la base militaire américaine située sur l’île de Diego Garcia. Les discussions se précipitent alors que l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche se profile pour le 20 janvier prochain.

Un appel inattendu pour un dossier sensible

Antony Blinken a choisi de prendre directement contact avec Navin Ramgoolam par téléphone, une démarche peu habituelle dans les relations diplomatiques entre les deux pays. L’entretien, qui a eu lieu après la victoire de Ramgoolam, lors des élections législatives du 10 novembre, avait pour but officiel de féliciter le Premier ministre pour sa réélection. Cependant, des sources locales ont révélé que la question des îles Chagos occupait une place centrale dans les discussions.

En octobre 2024, le gouvernement britannique a pris une décision historique en reconnaissant officiellement la souveraineté de Maurice sur l’archipel des Chagos, après plus de cinq décennies de contentieux territorial. Cette reconnaissance faisait partie d’un accord de principe qui devait mettre fin à une dispute vieille de 56 ans. Toutefois, cette avancée reste partielle et ne répond pas encore à toutes les préoccupations des autorités mauriciennes.

Un accord controversé entre Maurice et Londres

Si l’accord actait la souveraineté mauricienne sur les îles Chagos, il stipule également que Maurice cède au Royaume-Uni le contrôle de l’île de Diego Garcia, qui abrite une base militaire américaine d’une importance stratégique capitale. Cette base, située au centre de l’océan Indien, est utilisée par les États-Unis comme site pour leurs opérations militaires, et son rôle est essentiel dans le maintien de leur influence dans la région.

Le gouvernement de Navin Ramgoolam a clairement exprimé son désir de renégocier cet aspect de l’accord, estimant que la cession de Diego Garcia à Londres était un compromis défavorable pour Maurice. Depuis sa prise de fonction, le Premier ministre mauricien a d’ailleurs souligné à plusieurs reprises les divergences importantes qui subsistent entre les deux pays sur ce dossier sensible. La question de la souveraineté partielle de Diego Garcia reste un gros point de friction, et Maurice cherche désormais à revoir les termes de cet accord.

Les redevances d’occupation : une pomme de discorde

Un autre point de désaccord dans les négociations porte sur les redevances d’occupation de la base militaire de Diego Garcia. Maurice exige une compensation financière pour l’usage prolongé de cette île stratégique, avec effet rétroactif. Cette demande n’a pas manqué de susciter des tensions, et le vice-Premier ministre mauricien, Paul Bérenger, n’a pas hésité à critiquer Londres pour sa lenteur à accepter de payer des redevances adéquates. Le dirigeant est allé jusqu’à accuser les autorités britanniques de « pinailler pour quelques sous ».

Derrière cette querelle financière se cache un enjeu diplomatique et stratégique de taille, puisque le maintien de la base américaine sur Diego Garcia est perçu par les États-Unis comme essentiel pour la sécurité dans l’océan Indien et au-delà. En conséquence, la question des paiements rétroactifs, bien que secondaire pour certains observateurs, demeure un facteur clé dans la renégociation des termes de l’accord entre Londres et Port-Louis.

La pression de Washington sur les négociations

Alors que les négociations se poursuivent, l’implication de Washington est devenue de plus en plus évidente. Antony Blinken, en s’engageant directement avec le Premier ministre mauricien, a rappelé l’importance géopolitique de l’archipel pour les États-Unis, notamment en raison de la base militaire de Diego Garcia. Bien que Maurice ait clairement indiqué qu’elle ne souhaitait pas la fermeture de la base, elle demande des compensations financières, ce qui place les États-Unis dans une position délicate.

Les discussions prennent un tour encore plus pressant à l’approche de l’installation de Donald Trump à la Maison Blanche. L’administration Trump pourrait revoir la stratégie militaire des États-Unis dans la région, et la question de Diego Garcia risque d’être au cœur des discussions bilatérales entre Washington et Londres. Dans ce contexte, le rôle de la France, des autres pays de la région et de l’ONU sera primordial pour aider à la résolution du contentieux territorial entre Maurice et le Royaume-Uni.

Un dossier toujours ouvert

Les négociations sur la souveraineté des îles Chagos restent donc un dossier complexe et dynamique. Si Londres a reconnu la souveraineté de Maurice, de nombreux enjeux restent à régler, notamment en ce qui concerne la base militaire de Diego Garcia et les compensations financières associées à son occupation. L’implication directe des États-Unis dans ces négociations, par le biais de discussions avec Maurice, montre à quel point l’archipel est stratégique sur le plan militaire.

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Très attaché à l’Afrique Centrale que je suis avec une grande attention. L’Afrique Australe ne me laisse pas indifférent et j’y fais d’ailleurs quelques incursions
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