Accablement à Paris, accablement au Cameroun, accablement dans toute l’Afrique. Francis Bebey est mort ce matin, lundi 28 mai 2001. Sa voix est là, qui nous a accompagnés pendant des décennies, avec son ton généreux et détaché de vieux conteur d’histoires, accompagné de sa guitare sèche, rejouant les rythmes des comptines, des mélopées de la brousse.
Francis Bebey vient de mourir : nous avons tous quelque part dans notre souvenir sa silhouette et sa musique, il a été l’un des plus efficaces ambassadeurs de la musique de l’Afrique dans le reste du monde, porteur d’une poésie discrète qui était une vision du monde, vieilles cosmogonies naturelles, histoires de lions et de chasseurs, philosophie humaniste et belle…
Il avait toute l’histoire de la musique africaine en lui, et il la restituait avec fidélité et tendresse, suivant son inspiration, qui était celle d’un vrai artiste, fidèle à la fois aux chants bantous, aux polyphonies vocales pygmées, aux rythmes des percussions d’Afrique de l’Ouest et aux mélodies flûtées des peuples du coeur de l’Afrique.
Un artiste authentique, et un homme engagé pour cet art, qu’il portait partout où il allait : à l’UNESCO, par ses interventions, ses conférences, ses disques, ses textes. « Musiques d’Afrique » est paru en 1969, et fait toujours autorité. « Le fils d’Agatha Moudio », son coup d’essai de romancier, date de 1967, et ce fut un coup de maître, Grand Prix de l’Afrique noire.
Partout, il se présentait ainsi, sans ambages, comme un passeur. Passeur des mots, passeur des traditions, passeur de la mémoire, toujours à reconquérir, à régénérer, à rafraîchir. Mais c’était pure modestie, car derrière le passeur était le créateur, l’inventeur, l’homme libre. C’est cet homme qui reste en nous, avec sa voix, sa musique, son sourire et son humour tranquille.
Ce n’est pas difficile de jouer avec son coeur : il suffit d’en avoir. Il en avait à revendre, du coeur, mais il en donnait trop, chaque jour : il en a manqué ce matin. L’Afrique pleure.
Pour retrouver ses albums : Tout souffle, contes à quatre voix et Dibiye