L’Afrique célèbre ce mardi les 20 ans de la disparition de l’éminent historien Cheikh Anta Diop. De grandes commémorations seront organisées ce 7 février, mais aussi dans les mois à venir.
Les diverses manifestations prévues à partir de mardi dans le cadre de la commémoration du vingtième anniversaire de la mort de Cheikh Anta Diop constituent un « hommage à un grand humaniste qui a voulu réconcilier la planète », a estimé le ministre sénégalais des Affaires étrangères, Cheikh Tidiane Gadio.
La commémoration de la mort, le 7 février 1986, du savant et homme politique sénégalais fait l’objet d’une série de manifestations, dont une table ronde de nombreux intellectuels, mardi à l’Université de Dakar -qui porte son nom- sur le thème de la recherche historique pour la reconstruction de l’Afrique.
Selon M. Gadio, qui s’exprimait lundi dans un entretien avec la PANA au sujet de l’événement, il s’agit, pour le Sénégal, de concert avec l’Union africaine (UA), de rendre hommage à Cheikh Anta Diop pour « l’immense travail de réarmement moral des Africains » qu’a accompli ce grand militant du panafricanisme sa vie durant.
Pour le ministre sénégalais cependant, il ne s’agit point de se livrer à une auto-glorification ou à la promotion d’un quelconque culte de la personnalité, mais plutôt de célébrer l’action d’un homme qui aura lutté, non pas pour nier l’histoire des autres, mais contre la négation de l’histoire de l’Afrique.
« Cheikh Anta Diop a fait un immense travail de réarmement moral des peuples africains, et si l’on est convaincu que l’humanité est née en Afrique, cela positionne les peuples de ce continent, notamment la jeunesse, dans ce passage obligé qu’est le combat pour la renaissance africaine », a souligné Cheikh Tidiane Gadio.
« Nous célébrons Cheikh Anta Diop au moment où l’Afrique parle plus que jamais de fédéralisme et où le comité des chefs d’Etat de l’Union africaine a été mis en place pour réfléchir sur la création d’un gouvernement continental », a-t-il ajouté, déniant ainsi à cette démarche tout caractère passéiste.
Selon M. Gadio, en effet, il s’agit moins de se livrer à des dénonciations que de communier ensemble en se posant la question de savoir, vingt ans après la disparition de l’éminent égyptologue, quel est l’héritage intellectuel et scientifique qu’il a laissé et quels sont les défis de la construction de l’Afrique au 21ème siècle.
Outre la table ronde de mardi matin, il est aussi prévu dans l’après-midi, toujours à l’Université Cheikh Anta Diop, un débat entre hommes de culture et intellectuels sur des problématiques liées au rapport entre le développement et les langues nationales, à l’éducation, à la santé, à la démographie, etc., a expliqué le ministre.
Dans la soirée, le Théâtre national Daniel Sorano de Dakar abritera un concert de jazz avec la participation du grand jazzman africain-américain Randy Weston, « qui s’est offert spontanément et gratuitement », a précisé M. Gadio, ainsi que de musiciens sénégalais connus pour leur africanisme tels Baba Maal, Ouza, Didier Awadi, Ismaël Lô, Oumar Pène…
La deuxième grande manifestation dans le cadre de ces célébrations est prévue le 30 mars, à l’occasion de la Journée du Parrain organisée par l’Université Cheikh Anta Diop. A cette occasion il se tiendra une table ronde sur l’Etat fédéral africain, « et quelques chefs d’Etat du continent pourraient même faire le déplacement », a dit M. Gadio.
Quant à la troisième et dernière manifestation, il s’agira d’un colloque international prévu dans la dernière décade du mois de mai prochain à Dakar sur le thème : « Vingt ans après : l’héritage intellectuel et scientifique de Cheikh Anta Diop et les défis de la construction de l’Afrique au 21ème siècle ».
En outre, il est fortement question qu’un pré-colloque se tienne au Brésil, notamment pour permettre de célébrer Cheikh Anta Diop dans la diaspora, a encore dit Cheikh Gadio, qui n’a pas manqué de rendre hommage au président de la Commission de l’UA, Alpha Oumar Konaré, d’avoir pris sous son égide l’organisation de ces célébrations, qui ont été financées par le Sénégal.
M. Gadio a également magnifié l’esprit panafricaniste de plusieurs dirigeants africains, dont le Président sénégalais Abdoulaye Wade qui, dans son livre « Un destin pour l’Afrique », développe un discours panafricaniste découlant d’une vieille conviction, ainsi que le défunt Président-poète Léopold Sédar Senghor.
Il a également magnifié l’action du Président Diouf, qui a baptisé l’université, une grande avenue de Dakar et l’ex-Institut fondamental d’Afrique noire (IFAN) du nom de Cheikh Anta Diop, et rappelé le combat pour l’unité du continent mené, sous le sillage ou en compagnie de Cheikh Anta Diop, par certains de ses compatriotes comme Majhmouth Diop, Mamadou Dia ou Abdoulaye Ly…
Cheikh Gadio a rendu un hommage similaire à plusieurs chefs d’Etat africains en exercice pour leurs convictions panafricanistes et leur combat pour l’unité de l’Afrique, notamment Thabo Mbeki d’Afrique du Sud, Mouammar Kadhafi de Libye, Yoweri Museveni d’Ouganda ou encore Olusegun Obasanjo du Nigeria…
Revenant sur le président de la Commission de l’Union africaine, Alpha Oumar Konaré, M. Gadio l’a particulièrement remercié d’avoir décidé de lancer, au nom de l’organisation panafricaine, le « Prix Cheikh Anta Diop pour la science », destiné à récompenser les grands chercheurs africains dans divers domaines de connaissances modernes.
Né en 1923, le Pr Cheikh Anta Diop a publié plusieurs oeuvres majeures dont « Nations nègres et Culture » en 1954, « l’Unité culturelle de l’Afrique noire » en 1959, « Parenté génétique de l’égyptien pharaonique et des langues négro-africaines » en 1977.
Chercheur, il a fondé en 1966 un laboratoire de datation des échantillons archéologiques par la méthode du radiocarbone, en collaboration technique avec le laboratoire de Gif-sur-Yvette du Commissariat à l’énergie atomique.
Comme homme politique et adversaire de l’ancien président Léopold Sédar Senghor, il a créé successivement trois formations politiques: le Bloc des masses sénégalaises (BMS) en 1961, le Front national sénégalais (FNS) en 1963 et le Rassemblement national démocratique (RND) en 1976.