Hommage d’Imane Ayissi à son amie Katoucha


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La disparition de la reine des podiums reste pour l’instant mystérieuse, et rien n’a permis de retrouver cette grande dame de la mode qui n’est pas réapparue depuis le 2 février 2008. La dernière chose que l’on sache d’elle, c’est qu’elle a été raccompagnée par des amis après une soirée, vers 2h du matin, sur la péniche amarrée sur la seine et où elle habitait lors de ses séjours à Paris. Son sac a bien été retrouvé à l’entrée de ce bateau, mais sans elle.

On peut s’interroger sur le manque d’élégance des personnes qui l’ont raccompagnée ce soir-là, sous la pluie à cette heure tardive, et qui ne se sont pas souciés de l’accompagner à l’intérieur de son bateau et de veiller à ce qu’elle soit bien installée. On peut se demander également si personne n’a rien entendu, alors que d’autres bateaux sont amarrés à cet endroit de la Seine.

Qu’est-il donc arrivé à la reine peul ? Après plusieurs jours d’inquiétude, d’angoisse pour ses proches, les recherches ont cessé. La BRDP (brigade de répression de la délinquance contre les personnes) a décidé d’arrêter d’explorer la Seine même si la thèse de la noyade reste pour la police la plus vraisemblable. Katoucha reste donc introuvable, mais ne l’enterrons pas si vite, gardons un petit espoir qu’elle ressurgisse un jour dans la vie et laissons la police faire son travail d’enquête sur cette affaire avant d’écrire des choses déplacées et injustifiables sur elle dans les médias.

J’ai rencontré Katoucha il y a déjà bien des années à l’occasion d’un défilé qui avait lieu au « Monde de l’Art » à Paris. Quand nous nous sommes vu la première fois c’est comme si on se connaissait depuis toujours. Lors de ce défilé nous nous sommes croisé deux fois sur le podium,
et à chaque fois j’ai oublié quelques secondes où j’étais tellement elle était impressionnante de présence sur un podium. Depuis cette date on ne s’est jamais vraiment quitté, on a passé des heures au téléphone et notre amitié ne s’est pas épanouie seulement dans le monde de la mode et du mannequinat mais aussi dans plein d’autres domaines en particuliers au cours de voyages que nous avons fait ensemble aux quatre coins du monde. Katoucha m’a toujours soutenu dans ma carrière de mannequin comme dans mon travail de créateur de mode. Elle m’a présenté à sa fille, à son fils et à ses meilleurs amis, qui venaient d’horizons très différents et j’étais devenu au fil des années comme une sorte de frère, parfois un peu protecteur quand sa fille me demandait de veiller sur sa mère. J’ai eu l’occasion plusieurs fois de la sortir de moments un peu délicats, comme cet après-midi de juillet où, déjà sur la péniche d’un de ses amis, elle avait perdu l’équilbre sous l’effet du tangage provoqué par le passage d’un autre bateau et s’était retrouvé dans la seine, alors qu’elle ne savait pas nager. Heureusement j’avais entendu ses cris et cette fois là j’avais réussi à la remonter sans l’aide des deux autres occupants de la péniche, trempée, mais saine et sauve.

La carière de Katoucha, qui est née en 1960 à Conakry, a commencé très tôt mais c’est dans les années 80 et 90 que sa carrière a atteint des sommets. Les grands maîtres de la Haute Couture parisienne se sont arraché ce top model qui a su porter très haut les couleurs du continent Africain. Elle a bien sûr été l’égérie d’Yves Saint-Laurent, mais elle a aussi sublimé les robes de Jean-Louis Scherrer, de Balmain, de Dior, de Valentino, de Gianfranco Ferré, de Paco Rabanne, d’Azzedine Alaïa, de Thierry Mugler, et il fut une époque où Christian Lacroix baptisait ses croquis  » Katoucha « . Peut-on imaginer plus belle reconnaissance de la part d’un des seigneurs de la Haute-Couture ?

Elle a quitté le mannequinat après de très nombreuses années de carrière alors qu’elle était encore très demandée, mais elle ne voulait pas vieillir sur les podiums et pensait qu’après un certain temps il fallait savoir laisser sa place à de nouveaux talents. Elle est alors passée de l’autre côté du rideau et est devenue créarice de mode à son tour. Puis les producteurs de l’émission de M6  » Top model  » lui ayant demandé d’y participer comme coach, elle s’était intéressé au parcours de mannequins débutantes et a créé le concours « Eben Top Model » pour permettre à de jeunes filles issues du continent Africain de démarrer une carrière internationale, avec le soutien de grandes agences de mannequins comme Success, ou Metropolitan…

Mais Katoucha n’a jamais oublié qu’elle avait subit l’excision à l’âge de 9 ans, épisode de son enfance qu’elle raconte dans « Dans ma chair » son premier livre publié en 2007 qui relate sa vie avec une justesse émouvante. Elle s’investissait donc dans l’association KPLCE, qu’elle avait fondé dans le but de lutter contre cette pratique. Aujourd’hui, à 47 ans mère de trois enfants et grand-mère, Katoucha était plus que jamais une femme active.

Une reine reste une reine quoiqu’il arrive et Katoucha reste Katoucha, la fée des podiums, qui a fait rêver le monde entier. Une silhouette de gravure de mode avec un port de tête sublime, mais doté d’une grande générosité, d’une immense humanité qui l’illuminait. Katoucha est née avec une étoile de reine sur son front, pour régner en toute beauté et une reine ne meurt jamais.

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