Hommage aux héros africains oubliés de la France Libre


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Des tirailleurs sénégalais
Des tirailleurs sénégalais

Aujourd’hui, la France célèbre un moment clé de son histoire, le 80ème anniversaire du Débarquement de Provence, une opération cruciale dans la libération du territoire national durant la Seconde Guerre mondiale. Parmi les commémorations, un hommage particulier doit être rendu à ceux qui, venus des anciennes colonies françaises d’Afrique du Nord et subsaharienne, ont risqué leur vie pour défendre une patrie qui n’était pas toujours la leur. Ces soldats, souvent ignorés par les livres d’histoire, furent pourtant essentiels dans la lutte contre l’occupant nazi.

L’Armée de Libération : Une Force venue d’Afrique

Le 15 août 1944, les troupes alliées, appuyées par une armada impressionnante, débarquent sur les côtes de Provence. Parmi les 450 000 soldats engagés, près de 150 000 étaient des combattants d’Afrique et des colonies, regroupés en sept divisions. Pour beaucoup d’entre eux, c’était la première fois qu’ils foulaient le sol de la métropole, un territoire qu’ils allaient défendre avec une détermination sans faille.

Ces troupes, composées notamment de la 3ème Division d’infanterie algérienne, de la 1ère Division française libre, de la 9ème Division d’infanterie coloniale, et de ce qui restait de la 1ère Division blindée, ont joué un rôle crucial dans le succès de l’opération. Pourtant, leur contribution a longtemps été minimisée, voire occultée.

Une reconnaissance tardive et incomplète

Malgré l’importance de leur engagement, ces soldats n’ont pas reçu la reconnaissance qui leur était due. Les inégalités de traitement, symbolisées par la cristallisation des pensions militaires en 1959, ont longtemps perduré. Cette politique discriminatoire, qui a gelé les pensions des anciens combattants des colonies à des niveaux bien inférieurs à celles de leurs homologues français, a suscité une profonde amertume.

Alioune Kamara, directeur de l’Office national des anciens combattants sénégalais, exprimait son indignation en ces termes : « Le pouvoir d’achat dans les pays d’origine n’a rien à voir avec les pensions. On parle de gens qui se sont battus loin de chez eux pour un autre pays, qui ont risqué leur vie. »

Même si des efforts ont été faits en 2003, les anciens combattants concernés étaient désormais peu nombreux et les montants versés aux anciens soldats étrangers sont restés largement inférieurs à ceux des soldats français, perpétuant ainsi une forme d’injustice.

Une mémoire à préserver et à transmettre

Le 15 août est ainsi une journée dédiée à la préservation de la mémoire de ces soldats africains. Si leur contribution a été négligée par le passé, des initiatives récentes visent à corriger cette injustice historique. À travers des commémorations, des monuments, et des travaux de recherche comme ceux de Charles Onana, l’importance du rôle des combattants africains commence enfin à être reconnue.

Charles Onana, auteur du livre La France et ses tirailleurs, a mis en lumière l’apport crucial des soldats africains à la libération de la France. « Sans l’Afrique et les Africains, il n’y aurait jamais eu d’armée française de libération », affirme-t-il. Son travail révèle l’étendue de la participation africaine, souvent oubliée, notamment lors du débarquement en Provence, où 80 % des effectifs étaient originaires d’Afrique. Ces soldats, qui ont combattu sur tous les fronts, de l’Afrique du Nord à l’Europe, ont payé un lourd tribut, souvent sans la reconnaissance méritée.

Un devoir de justice et de mémoire

Les commémorations du Débarquement de Provence sont non seulement un moment de souvenir, mais aussi une occasion de réévaluer la place des combattants africains dans l’histoire de la France. Il est crucial que cette mémoire soit préservée et transmise aux générations futures. Il est également impératif que la France s’acquitte pleinement de sa dette envers ces hommes en leur offrant la justice qui leur est due.

Les inégalités de traitement, en dépit des décisions tardives du Conseil d’État français qui ont tenté de rétablir une forme d’équité, restent une plaie ouverte. Beaucoup des anciens combattants africains sont morts sans avoir vu la reconnaissance pleine et entière de leur sacrifice. Ceux qui survivent encore aujourd’hui continuent de porter ce fardeau, et leur lutte pour l’égalité des droits reste plus que jamais d’actualité.

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