La 7ème édition du festival au désert s’est déroulée le mois dernier sur les dunes d’Essakane, au Nord du Mali. Cette foire-forum-festival a une fois de plus, fait découvrir à un large public la magie de l’univers Touareg. On retiendra cette année, la soirée en hommage à Ali Farka Touré, animée par de nombreux artistes tels que Tinariwen, Oumou Sangaré, Baba Salah et Hafel Bocoum. Reportage.
Cap sur Essakane. Cette ancienne oasis, située à 70km au nord-ouest de Tombouctou la mystérieuse, nous ouvre une nouvelle fois ses dunes pour la 7è édition du Festival au Désert. Bien plus qu’un simple festival de musique, cet événement est né de l’initiative des associations EFES et AITMA de faire revivre la tradition ancestrale des grands rassemblements tamashek, interrompus par les grandes sécheresses des années 70 et les rebellions des années 90. Par cette rencontre annuelle, elles souhaitent ainsi développer économiquement le nord du Mali et renforcer la paix sociale en ouvrant les portes de la culture touareg au monde entier.
Qu’ils soient venus d’ici, du désert, de Bamako, de Mopti ou d’ailleurs, de France, d’Amérique ; qu’ils soient venus en avion, en 4X4, entassés à l’arrière d’un pick-up ou encore, à dos de chameau ; qu’ils soient organisateurs, artistes ou festivaliers ; qu’ils soient nomades pour la vie ou seulement pour quelques jours, ils se sont tous retrouvés là, du 11 au 13 janvier, dans cet océan de dunes blanches. Certains pour se réunir, d’autres pour se divertir, certains pour découvrir une culture, d’autres pour faire connaître la leur, mais tous dans un désir commun d’échanger.
L’accueil des « hommes bleus »
C’est donc dans ce décor insolite que les hommes bleus nous accueillent, cachés derrières leurs turbans indigo, entretenant ainsi le mystère. Ils sont venus planter leurs tentes, leurs maisons, accompagnés de leurs femmes, majestueusement parées, prêtes à vous envoûter par leurs chants et leurs danses traditionnelles « tindés » à tout moment de la journée. Une drôle de chorégraphie entre les festivaliers et les chameaux peut commencer : les premiers, impressionnés et intrigués, cherchant les autres pour se promener, les seconds, imperturbables et impassibles, attendant la course quotidienne pour se défouler.
Ce spectacle, qu’il ne faut pas rater, sera pour les festivaliers l’occasion de déguster un verre de thé acheté à un vendeur ambulant, se livrant entre chaque gorgée à toutes sortes de commentaires sur nos athlètes. Pendant que ces derniers reprendront leur souffle, un détour par le marché artisanal offrira l’occasion de découvrir une autre forme d’expression culturelle et peut-être de négocier un bijou en argent, typique de l’artisanat touareg. A la tombée de la nuit, c’est sous le regard nonchalant de nos coureurs exténués que la foule se dirige ensuite vers la grande scène, pour assister à la soirée commémorative en l’hommage d’Ali Farka Touré, grand événement de cette édition.
Pour faire briller cette étoile qui nous a quittés il y a bientôt un an, pour la faire briller sur scène, dans le ciel d’Essakane et dans le cœur de chacun des festivaliers, tous ses proches étaient là. Tous étaient là pour lui, simplement pour nous rappeler au travers de dédicaces, interprétations, projections, qu’au-delà du mythe qu’il est en train de devenir, il incarne aussi un homme, proche de sa terre, de son pays, revendiquant sa diversité culturelle, mais tourné vers les autres, désireux de faire découvrir son peuple au monde entier à travers sa musique. Hafel Bocoum, Tartit, Oumou Sangaré, Vieux Farka Touré, Toumani Diabaté, Baba Salah, accompagnés de l’Orchestre d’Ali, nous ont offert un échange musical hors du commun empreint de nostalgie, d’émotion, mais surtout d’espoir. Ils ont réussi à transmettre la volonté d’avancer encore et toujours, la volonté de perpétuer l’œuvre et les aspirations du bluesman-paysan, cet homme dont la vie est une leçon pour chacun.
Le harcèlement des « crams crams »
Poursuivant cet objectif d’échange, l’édition du festival a enregistré la participation d’artistes venus d’autres régions du Mali, d’Afrique mais aussi d’Europe et du reste du monde. La programmation comptait aussi un « espace découvertes » permettant à de jeunes talents de se faire connaître. Le groupe Diata Sya a fait le trajet depuis Bamako pour nous faire découvrir leur raga hip-hop, l’occasion pour eux de se nourrir de toutes les influences musicales réunies sur le site. Coté concerts, l’un des plus attendus fut celui du groupe portant la voix du peuple touareg à travers le monde, Tinariwen, véritable phénomène qui a fait se lever toute l’assemblée dès les premiers accords de guitare. Le festival s’est clos sur la prestation d’Habib Koité, guitariste remarquable, laissant ces mélodies se disperser dans le ciel d’Essakan en attendant l’année prochaine.
Le seul regret, constaté par nombre des participants, viendra de ce cruel manque de communication sur place, laissant les festivaliers livrés à eux-mêmes, ne sachant trop où et à qui demander renseignement. Loin de l’organisation admirable de l’édition 2003, celle de cette année semble donc être le seul point faible de l’événement.
Les grincheux reprocheront le harcèlement incessant des vendeurs en tout genre et des crams crams qui avaient cependant le mérite de nous rappeler que nous ne rêvions pas ! Nous étions bien là, ensemble dans une sérénité éloquente, venus des quatre coins de la planète, différents en bien des choses, pour ce grand rassemblement, pour partager la musique et la compagnie des autres.
Ce festival est une véritable oasis en plein désert. A recommander à tous les curieux avides de rencontres, tant humaines que musicales.
Par Aurélie Boutard et Estelle Ollivier
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