Sorti en décembre aux Etats-Unis, Black Hawk down, le film de Ridley Scott sur l’intervention américaine à Mogadiscio en 1993, explose le box-office. Pour les Somaliens, c’est le choc, l’humiliation. Et l’inquiétude d’une seconde guerre. Polémique sur un cinéma qui met en scène le massacre.
Ca ne se passe pas en octobre 2001 en Afghanistan, mais en octobre 1993 en Somalie. L’ennemi numéro un n’est pas Oussama Ben Laden, mais Mohamed Farrah Aidid, l’un des plus puissants seigneurs de la guerre qui règnent à Mogadiscio. La mission devait durer une heure. Objectif : la capture d’Aidid, en plein coeur de la capitale ennemie.
A peine commencée, l’opération se transforme en carnage. Les Somaliens réagissent en masse contre » l’invasion américaine « . En abattant un premier hélicoptère américain, le » Faucon noir » ( » Black Hawk » en anglais), ils créent la panique chez les soldats US. L’intervention fera dix-neuf morts côté américain. Entre cinq cents et mille chez les habitants de Mogadiscio. Elle ne durera pas une, mais dix-huit heures. Le film de Ridley Scott, lui, s’étale sur plus de deux heures. Les plans s’égrènent au rythme des soldats qui tombent. 144 minutes de fusillades, d’explosions, de sang, de bruit et de fureur. Et de larmes pour les fils de la patrie morts au combat.
Ce film nous décrit comme des sauvages !
Si cette grosse production hollywoodienne connaît déjà un succès historique aux Etats-Unis, elle figure aussi sur la liste noire des Somaliens. La communauté somalienne américaine a réagi immédiatement. » Nous sommes inquiets de ce que le public américain va penser de nous après avoir vu ce film ! Les Somaliens y sont décrits comme des bêtes sauvages sans aucune humanité ! » s’indigne Omar Jamal, le directeur du centre de conseil juridique somalien de Saint-Paul, Minnesota, au micro de CNN.
De fait, certaines images montrant de braves soldats américains cernés par la populace en furie ne sont pas sans rappeler les meilleures scènes de La Nuit des morts vivants ou de Zombies… Les représentants de la communauté somalienne du Minnesota, qui compte 25 000 personnes, exigent donc que des tracts d’explication modérateurs soit distribués dans les cinémas.
Ils parlent encore de leurs 19 soldats tués
A Mogadiscio, on s’arrache depuis lundi les cassettes pirates du film. Dans une salle de projection improvisée pour l’occasion, les jeunes gens se lèvent et applaudissent lorsque l’hélicoptère se crashe sur l’écran. Mais ce sont des visages sombres qui accueillent le générique. Beaucoup se souviennent de leurs proches, tombés ce fameux jour du 5 octobre 1993.
» Les Américains ont abattu des centaines de nos compatriotes ce jour-là, mais ils parlent encore de leurs dix-neuf soldats tués « , s’exclame Mohamed Said Abdulle, soldat somalien. Les combattants sont particulièrement choqués. Osman Hassan Ali » Atto « , l’un des chefs de l’Alliance nationale somalienne (SNA), la faction aux ordres d’Aidid à l’époque, menace même de » consulter ses avocats » pour les dommages causés à sa » réputation » dans le film. » C’est incroyable de voir le préjudice que des cinéastes peuvent porter à votre personnalité « , s’irrite le leader somalien.
Au-delà de l’indignation, il y a la peur. Ibrahim Haji Hassan, ancien soldat, n’est pas le seul à penser que ce film ressemble trop à un » avertissement « . » Les Etats-Unis s’apprêtent à lancer des attaques contre la Somalie « , prédit-il à l’AFP. Les propos de Ridley Scott, lors de la présentation de son film en France, n’ont rassuré personne : » Je voudrais saluer le formidable travail de l’armée américaine, surtout aujourd’hui, en Afghanistan « . Who’s next ?
Black Hawk Down, en français La Chute du faucon noir, sortira sur les écrans français le 20 février.
Voir aussi le site du film.