Hollande président : la Françafrique va-t-elle survivre à Sarkozy ?


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De toutes les malédictions qui se sont abattues sur l’Afrique, de la colonisation à ce jour, la plus ravageuse est bien la Françafrique, cette politique de connivence et des réseaux obscurs entretenue au sommet de l’Etat français pour dépouiller les pays francophones au sud du Sahara. Le tout nouveau président, François Hollande, va-t-il abolir ce système et mener en Afrique une politique cohérente, respectant la volonté des peuples et soutenant, dans les pays où la démocratie n’existe pas, ceux qui se battent pour l’établir ? Le doute n’est pas exclu.

Le socialiste fraîchement élu a promis, lui aussi, de rompre, avec « les usages inacceptables de la Françafrique, de ne pas cautionner les élections frauduleuses sur le continent » ? En regardant le nouveau président, considéré comme un « roseau d’acier », un faux mou, un accommodant, qui ne porte pas le poids moral de l’ère mitterrandienne et de ses pénibles compromissions africaines, l’envie de le croire est réelle. Sachant que le tempérament d’une personne fait sa destinée. Cette loi s’applique aussi aux présidents : leurs lignes de force et de faiblesse, leur style, la manière dont ils exerceront la haute fonction qui leur échoit sont déjà en eux. Le fil conducteur de leur action est dans leur historique d’avant la consécration.

Seulement, le pouvoir, le pouvoir suprême surtout, transforme celui qui l’a conquis : sans qu’il s’en aperçoive d’ailleurs, ni se voie changer, au bout de quelques mois, il n’est plus le même homme. On peut dire, sur cette base, qu’on ne connaît pas un homme politique tant qu’on ne l’a pas vu dans l’exercice du pouvoir. Autrement, ce François sera peut être, sur les affaires africaines, un revenant de l’autre François, d’un Jacques ou encore d’un Nicolas. Hollande fera-t-il mieux que ses prédécesseurs ?

Rien n’est moins sûr. C’est aux Africains de tuer la Françafrique. Il leur faut, pour cela, s’approprier cette célèbre phrase de Barack Obama : « Nous sommes nous-mêmes ceux que nous attendons ». Et, tant que les hommes et les femmes ne se décideront pas à prendre en main leur destin, la démocratie restera, en Afrique, une démocratie des coups d’état, de l’impunité, des clans, des marchés publics complaisants, des successions monarchiques, d’une justice du double standard, des gaz lacrymogènes. Au total, une démocratie où des nations entières, dépouillées de leurs oripeaux, de leur dignité, seront toujours contraintes de négocier leur survie avec leurs fossoyeurs, faute de les voir en prison..

A défaut d’avoir une démocratie à l’africaine, une d’authentique qui marche, ce n’est pas une honte de copier chez « nos maîtres », avec intelligence et rigueur, ce qui leur réussit et fait d’eux ces puissants qui nous dominent : en France, les crises sont contenues par les lois, par les institutions. Les administrations fonctionnent au service du citoyen. On vote et, sur les lieux de l’opération, on dépouille les bulletins, comme l’exige la loi. Une loi à laquelle sont assujettis autant les voyous, les repris de justice… que les hommes politiques. Ces derniers sont même les plus ciblés pour la simple raison qu’ils sont supposés donner l’exemple d’une probité sans faille. Personne n’y échappe, tous sont logés à la même enseigne : présidents, députés, ministres ou prétendants à la fonction suprême.

En Afrique, pour des raisons qu’en réalité rien n’explique, les lois sont régies par les états d’âme, les trafics d’influence, la force des armes, pendant que les administrations, fortement tribalisées, fonctionnent contre le citoyen, au verso du mérite. Ce sont bien ces désordres organisés, ajoutés à l’immobilisme crispé, à l’incapacité presque maladive des dirigeants à penser en profondeur l’avenir du continent, qui font le lit de la Françafrique. Comme si l’Afrique n’a pas assez mal, ses oppositions, elles qui sont habilité à conjurer le péril, n’en finissent pas de se perdre dans les conflits d’intérêts, dans les divisions et dans la course aux lucres. Les incessantes allées et venues de certains opposants, grands énarques compris, ferment gaillardement la marche de l’indignité et de la dépendance.

Devant un tel tableau, rien ne presse François Hollande d’abolir les dispositifs mis en place par ses prédécesseurs. Si l’on sait aussi qu’un président de la République française a pour mission première la défense des intérêts de la France. Lesquels intérêts il trouve en abondance au Sud du Sahara, de Libreville à Abidjan, de Lomé à Brazzaville en passant par Yaoundé, Kinshasa, Ouagadougou, Dakar … Un président français sera et restera l’agent commercial numéro un des groupes français, pour mettre la main sur les marchés juteux dans ses anciennes colonies. C’est de bonne guerre ! C’est ce que, pour la plupart, les chefs d’Etat africains ne savent pas faire. Ou, les rares fois qu’ils s’y essayent, c’est pour empocher des pots de vin. Dans le meilleur des cas, Hollande pourra, sans les effacer totalement, déplacer quelques lignes. C’est peut-être ce qui transparaît dans sa plus récente sortie : « Nous ne cherchons pas à déstabiliser des pays africains et leurs dirigeants. Nous voulons clarifier nos rapports ». Ceci n’annonce pas une rupture !

Néanmoins, la présence de Koffi Yamgnane, l’un des rares conseillers d’origine africaine dans le premier cercle du nouveau président, émet quelques bribes d’espoir. Quelles seront les marges de manœuvre de ce franco-togolais de Saint Coulitz ? S’il reste proche de Hollande durant ce quinquennat, Koffi, sera l’homme que les Africains vont le plus observer, avec l’espoir mitigé qu’il se dédouane et fasse oublier, par ses actions, les ratées de l’ère Mitterrand sur le continent. Evidemment, une hirondelle noire dans une marée blanche française ne fera pas le printemps au sud du Sahara. Toujours est-il qu’au sujet des pays francophones où les pouvoirs jouent à cache-cache avec l’alternance et la démocratie, l’opinion de Yamgnane pourrait compter.

Au bout du compte, il revient aux Africains de créer, par la pratique quotidienne, une harmonie entre les longs discours sur le panafricanisme et leurs attitudes, de prendre conscience que tout dépend de leur seule volonté. Un continent entier ne peut pas, comme semble s’y complaire le nôtre, laisser son sort entre les mains de pays tiers, d’affairistes étrangers. Mitterrand, malgré les espoirs immenses suscités par ses deux mandats (1981-1995), malgré toute son étoffe, n’avait pas pu ou voulu aider lorsque, dans beaucoup de pays africains, la démocratie dont il avait planté le décor, à Baule, s’était mise à manger ses propres enfants. Des décennies après son discours historique, où en est-on, dans les pays francophones, de cette formidable vague qui a balayé les potentats noirs et balisé le chemin supposé mener à des lendemains qui chantent ?

On peut, raisonnablement, douter que Hollande et ses camarades résistent pour longtemps à la capacité de manipulation des palais de la tyrannie, pour terrasser les hydres qui y règnent sans partage. Mitterrand ayant laissé de très mauvais souvenirs, il va falloir que les Africains attendent encore un peu pour voir si la victoire de la Gauche marquera la fin de la Françafrique. Ce sera en tout cas un bonheur infini si, sous Hollande, la France assainit ses relations avec l’Afrique. C’est le minimum que sont en droit d’attendre du nouveau président les francophobes indignés !

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Kodjo Epou est journaliste et chroniqueur pour différents médias, spécialisé sur l'Afrique et/où d'investigation. Il est aussi spécialiste de Relations Publiques
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