Alors que le pays connaît une montée du racisme due à une politique anti-immigration d’extrême droite ces dernières années ainsi qu’à des racines historiques profondes, il est particulièrement intéressant de se pencher sur l’histoire des Africains en Italie. Une idée particulièrement choquante est assez répandue, la notion « qu’être Italien, c’est être blanc ». Ce fait est relevé par la Dre Angelica Pesarini, née en Italie dont la famille est originaire d’Érythrée et de Somalie, et très bien décrit dans un article récent du média Ereb. Cependant, l’histoire nous apprend que des personnes à la peau noire vivent en Italie depuis très longtemps.
Période antique
L’Italie, autrefois, c’était le pays de la puissante civilisation romaine. Il est de notoriété commune que Rome a, en règle générale, été ouverte aux autres religions et cultures, les assimilant plutôt que de les anéantir. Par ailleurs, toute personne méritante et de valeur pouvait s’élever au sein de l’Empire romain. C’est ainsi que l’empereur Lucius Septimius Bassianus, mieux connu sous le nom de Caracalla (188 à 217 apr. J.-C.), est décrit dans certains récits comme un homme noir. Son père, l’empereur Septime Sévère, est né dans l’actuelle Libye, en Afrique du Nord, tandis que sa mère, Julia Domna, venait de l’actuelle Syrie.
Léopold Sédar Senghor affirme dans un ouvrage que le pourcentage des Noirs à Rome était bien plus important qu’il ne l’est aujourd’hui (1978) à Paris. Ces personnes exerçaient des métiers de toutes sortes, lutteurs, acteurs, étudiants, pédagogues, voire écrivains. Les Africains étaient présents dans l’armée romaine, aussi bien en tant que simples légionnaires qu’officiers. Parmi ceux-ci, nous avons le célèbre commandant d’une légion romaine de soldats chrétiens stationnés en Afrique : Maurice. Son nom est dérivé du latin et signifie « comme un maure », donc noir. Après avoir refusé, avec ses 6600 hommes, de persécuter des chrétiens en Gaule, il fut martyrisé. Il devint Saint Maurice, Saint Patron du Saint Empire Romain Germanique, dont le culte s’étendait au milieu du IVe siècle jusque dans le nord de l’Italie.
Moyen-âge
À cette époque, la présence de personnes à la peau noire était courante dans bien des cours européennes. Ainsi Frédéric II, roi de Sicile (et, à partir de 1220, empereur du Saint Empire Romain Germanique), a accueilli des Africains à sa cour et en a employé à son service. Il a même fait de l’un d’entre eux, Jean « le Maure », son chambellan. Par ailleurs, de nombreux tableaux de la Renaissance témoignent de ceci : à partir du milieu du XVe siècle, les riches familles du centre et du nord de l’Italie ont commencé à employer des domestiques venus d’Afrique.
La période de l’esclavage
En Italie le lamentable et honteux commerce malheureusement extrêmement lucratif des esclaves fut essentiellement le fait des Vénitiens et des Génois. À Venise, ce commerce était pratiqué dès le XIIe siècle en vendant des Slaves en Afrique du Nord et dans l’Empire byzantin, et des Sarrasins en Occident. Au XVIe siècle, la richesse issue entre autres de la traite des esclaves noirs a permis une décoration fastueuse du célèbre Palais des Doges, avec des œuvres de Véronèse et du Tintoret.
L’occupation, ou la colonisation, de la Libye
L’Italie, dans ses visées coloniales en Afrique, a occupé la Libye de 1911 à 1942. Cette affreuse page de l’histoire de la Péninsule s’est accompagnée d’exactions terribles. Entre 1911 et 1914, suite à des déportations massives vers les îles italiennes désertes, des milliers de Libyens mourront de faim et de soif. On estime que sur 300 000 habitants que compte à l’époque la Libye, 180 000 périront. À la fin des années 20, 16 camps de concentration seront ouverts pour emprisonner des Bédouins. 40 000 personnes n’en reviendront jamais. Pour « pacifier » le pays suite à une rébellion massive, les Italiens massacrent les troupeaux, empoisonnent l’eau des puits. Pendant cette soi-disant pacification, l’Italie s’est rendue coupable de nombreux crimes de guerre. Ces faits sont largement occultés dans l’histoire enseignée dans les écoles et dans la mémoire de la population.
De nos jours
L’Italie est un pays raciste, c’est un fait malheureusement peu relayé. L’influence du fascisme de la première moitié du XXe siècle se fait encore sentir. De plus, la politique actuelle de droite et d’extrême droite ne fait qu’aggraver les choses. Au point que des personnalités africaines sont utilisées par les partis de droite pour convaincre les Africains qu’ils feraient mieux de rentrer chez eux. Par ailleurs, le pays durcit sans cesse les lois pour les migrants. Il n’hésite pas à parquer des femmes, des hommes et des enfants dans des centres de rétention en surpopulation dans lesquels les conditions de vie sont dégradantes.
Le gouvernement se fait aussi complice d’exactions commises sur le sol africain. L’intégration de la population noire dans ce pays est difficile, comme le raconte un célèbre cinéaste d’origine italienne, Fred Kudjo Kuwornu. Ce dernier a créé un site web multimédia nommé Black Italia. Voici ce qu’il en dit : La plateforme est un excellent outil pour poster non seulement des projets vidéo, mais aussi un portail que j’utilise pour créer la chronologie historique de la présence noire en Italie avec des informations et des statistiques.
Conclusion
Nous terminerons cet article avec notre conclusion habituelle. Réaliser un travail historique et démontrer que les Africains ont toujours vécu en Europe, en particulier en Italie, apportant comme tous les citoyens de nombreux bénéfices à leur pays de résidence, est essentiel. Le commerce des esclaves noirs a permis au pays de s’enrichir. Rappeler les exactions commises en Libye est fondamental. Vaincre les préjugés et le racisme, cela passe aussi par la mémoire et l’histoire.
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