Histoire de la folie à l’âge moderne


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Cette fille la de Maissa Bey

Le fou est celui dont le discours n’a aucun sens et qu’on enferme. Maïssa Bey se fait porte-parole des folles. Des filles. Des femmes d’Algérie, enfermées, cachées, que l’amour a puni. De leurs phantasmes et de leur dégradation sociale. Cette fille-là, roman couronné par le prix Marguerite Audoux, parle pour toutes les femmes.

 » Ni maison de retraite, ni asile, ni hospice. Tout cela à la fois. (…) Ce serait plutôt une nef des fous, version vingtième siècle. Seul souci des gens du dehors : y embarquer tous ceux qui pourraient porter préjudice à l’équilibre d’une société qui a déjà fort à faire avec ses membres dits sains de corps et d’esprit « . Dans ce non-lieu, des passés de femmes errent entre quatre murs. Maïssa Bey installe son roman dans une maison coupée du monde.

Elle y place Cette fille-là, celle qui n’a pas de nom. Qui en a mille. Malika, Kheïra, M’a Zahra… Cette fille-là est anormale. Sa folie ? Le désir, l’amour, l’adultère. Le sien, ou celui d’une mère que sa naissance a marquée du sceau du péché. Pas de drame. Pas de tragédie. Cette fille-là esthétise l’infamie et  » l’immoralité « . Elle ne regrette rien. Sa raison suinte par les plaies du souvenir. Elle revit, indéfiniment, ce qu’il ne fallait pas faire, ce qu’il ne fallait pas dire et vivre, et qu’elle a aimé.

Histoires de filles

D’abord, il y a Malika. Malika rêve beaucoup. Elle s’invente fille de l’amour interdit d’une riche Française et d’un jeune Arabe, abandonnée au bord de la mer. Ou encore volée par des brigands sur la plage d’un pays lointain, élevée sous une tente par des nomades, habitée par un esprit puissant jeteur de sorts… Elle s’amuse, distrait les autres filles dont l’imagination est atrophiée par le travail de la mémoire. Mais son sourire est semblable à celui de Janus, Dieu romain triste et joyeux à la fois, et les mots qu’elle garde pour elle-même abolissent le rêve.  » Je suis la fille qu’on montrait du doigt en chuchotant. Je suis l’Incarnation de la Faute et jusqu’à preuve du contraire la Preuve Matérielle du Délit de Fornication. Farkha. « .

Il y a pire. Il y a Yamina, qui a fui son mari pour un autre homme. Abandonnée un peu plus loin sur la route. A connu d’autres hommes.  » Savez-vous qu’avant d’arriver ici, Yamina était une femme qui…une femme que… « . Il n’y a pas de mots. Il n’y en a pas besoin. Il y a sa façon de danser, parfois seule devant la télévision. Son impudeur qu’elle ne veut pas corriger. Qui fait honte. Son histoire est celle, vieille comme le monde, du plaisir et de la transgression.

Plaisir et transgression

Et puis il y a M’barka, qui a suivi un homme à la peau noire jusqu’à Niamey. Elle l’a aimé. Elle n’a aucun remord. Une femme a ensorcelé son mari, lui a volé son amour. Revenue en Algérie. Pour rien. Seule. Rejetée. Avec son bonheur au passé pour bagage. Elle ne s’en sépare plus. Elle ne cesse de chercher les mots pour dire sa chute. Elle se perd dans des discours qui manquent de clarté. Qui débordent de sentiments.

Et il y a toutes les autres. Leurs  » parenthèses de vie  » les hantent et leurs corps s’érodent à l’ombre la vieille maison. Réprouvées qui ont ouvert la porte de leur intimité. Exclues d’une société fermée, de tabous et de principes. Ce livre a goût de liberté.

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