A 25 ans, Aziz Senni est un chef d’entreprise heureux. Fils d’immigrés marocains, cet enfant des cités a monté avec succès sa propre société de transport et d’accompagnement. Entre confiance, chance et persévérance, portrait d’un self made man en devenir.
Difficile de réussir, vous diront certains, quand on s’appelle Aziz, qu’on est jeune et qu’on habite dans une cité trop souvent stigmatisée par l’échec et la violence sociale. C’est vrai qu’en habitant le Val Fourré à Mantes la Jolie (région parisienne), Aziz Senni, 25 ans, fils d’immigrés marocains, n’avait pas les meilleures cartes en main pour construire l’avenir. Mais il a un projet, du moins une volonté : celle d’entreprendre et de devenir son propre patron. En février 2000, après de grosses difficultés de financement, il crée A.T.A, Alliance transport et accompagnement. Sa société, en concurrence directe avec le monde des taxis, dispose aujourd’hui d’un parc de douze véhicules – dont certains adaptés aux personnes à mobilité réduite – et emploie seize personnes. Une initiative qui fait des petits puisque A.T.A a déjà accordé deux franchises nationales pour exploiter le concept.
» A.T.A est une société de transport à la demande qui permet aux personnes qui n’ont pas forcément un revenu important d’avoir une mobilité accrue « , explique Aziz. A.T.A affiche en effet des tarifs environ 30% moins chers que les taxis. » Outre nos tarifs, notre autre particularité est que nous sommes autorisés à grouper nos courses, une sorte de taxi collectif « , ajoute-t-il posément. Et les affaires marchent. Et plutôt bien, comme en témoigne le chiffre d’affaire exponentiel des deux premières années: 800 000 FF en 2000 contre 2,5 millions pour l’année 2001. Mais avant d’en arriver là, la mise en route du projet aura été un véritable chemin de croix pour le jeune entrepreneur.
Aucune aide des banques
» Vous avez 23 ans, pas d’expérience, aucune garantie : que voulez vous que l’on fasse pour vous !? ». Le message des banques est clair. Aziz ne doit attendre aucun soutien de leur part. Alors soit, il y a les parents, du moins son père, simple cheminot, pour mettre la main au porte-monnaie. Pas suffisant. » Le projet nécessitait de gros investissements et l’apport familial restait minime, il me fallait d’autres sources de financement « . La solution, il la trouvera auprès des fondations. Ses dossiers sous le bras, il part frapper à leurs portes. Son idée en séduit plus d’une. La Macif, Préviade, Concorde, le Concours des entrepreneurs et Talent 2001 Ile de France lui accordent leur soutien sous forme de bourses. Avec un capital de 50 000 FF et près de 260 000 FF d’investissements, A.T.A prend son envol.
C’est en voyant un reportage à la télé sur une personne en Suède qui s’occupait de transporter les gens, notamment les personnes âgées, chez le dentiste, que l’idée d’A.T.A germe dans la tête d’Aziz. Le Maroc, sa terre natale, pays où il retourne régulièrement pendant les vacances, insuffle à l’inspiration scandinave d’A.T.A sa petite touche marocaine. Tout comme les » petits taxis » chérifiens, ses véhicules seront tous collectifs. Lui qui a eu une scolarité quasi parfaite jusqu’à son BTS (Brevet de technicien supérieur) en transport logistique, lui qui a été le plus jeune cadre de France à Dilipack (filiale de la Poste) et directeur technique dans une PME (Petite et Moyenne entreprise) aujourd’hui disparue : il n’avait qu’une seule idée en tête. Etre son propre patron. » Faire mes huit heures et rentrer chez moi ne m’intéressait pas. Tout ce que je voulais c’était cumuler argent et expérience ».
Pas de recette de la réussite
» Il n’y a pas de recette de la réussite, si ce n’est la persévérance, la motivation et la chance, même si cette dernière se provoque. Sans oublier l’importance de son entourage en tant que soutien psychologique. Mais je ne considère pas avoir réussi, loin de là « . Malgré les succès engendrés par son entreprise, Aziz se refuse à donner dans le triomphalisme ou le moralisme. Il avoue que son principal moteur de travail est l’ascension sociale. Un désir de s’élever qu’il considère comme une reconnaissance par rapport à tous les sacrifices de ses parents venus, l’élever, lui est ses cinq frère et soeurs, en France.
» S’appeler Aziz et être issue d’un milieu défavorisé a été bien plus une force qu’un handicap. En tant que jeune fils d’immigré c’est vrai qu’au début j’étais un peu complexé dans mes démarches pour entreprendre – complexe que l’on m’a d’ailleurs inculqué dès le plus jeune âge à l’école – , mais ça a plutôt été un atout « . Parce qu’il montre l’image d’un jeune dynamique, parce qu’il est Maghrébin, parce qu’il est issu du marasme de la banlieue, on l’a souvent considéré comme un exemple et donc encouragé dans ce sens. Aujourd’hui, il est lancé et ne compte pas se reposer sur ses lauriers. » Mes objectifs sont d’avoir au moins une agence par département en France. ça me prendra cinq ou dix ans mais on y arrivera « , confie-t-il avec un petit sourire plein de détermination. C’est vraiment tout le mal qu’on lui souhaite.