Hip-hop et islam en Afrique de l’Ouest


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Pour des oreilles occidentales, hip-hip et islam semblent aux antipodes l’une de l’autre. Il est vrai que les musulmans orthodoxes (ou stricts) sont généralement suspicieux à l’égard de la pop culture. Mais cela est spécialement vrai avec la culture hip-hop américaine qui célèbre le matérialisme et le sexe. En dépit de cela, les croyances musulmanes et la pop culture modernes ont depuis longtemps entamé une variété de nouvelles symbioses dans de nombreux endroits du monde, particulièrement en Afrique.

L’histoire de l’Islam en Afrique de l’Ouest est unique, et à distinguer de la pratique islamique dans les pays arabes ou dans le sud-est asiatique. Depuis le 12e siècle, les enseignements du prophète Mahomet ont été répandus au Sud du Sahara par les commerçants arabes et les religieux charismatiques. Les royaumes islamiques tels que l’empire Songhaï ont résulté de là, donnant naissance à des villes comme Tombouctou, qui même au Mali moderne conserve le fantôme de sa gloire passée. Les leaders religieux connus comme « marabouts » ont fondé des confréries qui continuent aujourd’hui de jouer un rôle important dans beaucoup de pays d’Afrique de l’Ouest.

L’Afrique de l’Ouest est ainsi devenu un patchwork culturel. On retrouve des musulmans en grande majorité dans les pays comme le Mali, la Gambie ou le Sénégal, là où la religion joue souvent le rôle fondamental de mortier qui soude la société.

Dans d’autres pays comme la Côte d’Ivoire ou le Bénin, les musulmans sont juste une minorité parmi beaucoup d’autres. Pourtant même si la plupart des nations d’Afrique occidentales ont adopté des systèmes séculaires après la déclaration de leur indépendance, l’influence des groupes islamiques s’est également développée en Afrique proportionnellement aux problèmes endémiques et non résolus comme la pauvreté et le chômage

La musique en Afrique a toujours eu de fortes imprécations avec la religion. Il n’est donc pas étonnant que beaucoup de musiciens puisent dans les thèmes religieux leur source d’inspiration, et se considèrent eux-mêmes comme des autorités morales.

Comme la salsa, le funk et le reggae qui sont apparus avant lui, le rap est simplement le plus récent phénomène musical qui a saisi le continent entier. Son succès est au moins partiellement dû au fait que beaucoup d’Africains retrouvent les échos de leurs propres traditions dans l’art moderne du « discours engagé » du rap, et ne perçoivent pas ce style musical comme étranger. Les diffuseurs privés de radio et de télévision, dont le nombre s’est considérablement accru en Afrique de l’Ouest depuis le milieu des années 90, ont également joué un rôle important dans la propagation de l’enthousiasme envers le hip-hop.

Beaucoup de rappeurs africains tombent dans les clichés standards et les modes typiques du hip-hop portés par leurs modèles américains vu sur MTV, pantalons baggy, casquettes de baseball et baskets aux pieds. En revanche musicalement, ils se sont libérés de leurs idoles américaines, ont depuis longtemps adopté leur propre style, qui utilisent à la fois leurs propres traditions et instruments comme la kora ou le djembé. Là, le Djing (des Dj’s qui font des figures en mixant) est moins bien connu parce que peu de musiciens peuvent s’offrir de coûteux équipements comme les tables de mixage.

Le hip-hop permet aux jeunes Africains de donner de la voix. En Afrique de l’Ouest, le Sénégal est au centre du mouvement. On estime qu’environ trois mille groupes de rap sont en activité dans la seule capitale sénégalaise, Dakar. Dans beaucoup de pays africains la majorité de la population a moins de vingt ans, et beaucoup de rappeurs font l’effort d’aborder des thèmes politiques sociaux dans leur musique. Le groupe Silatigui, par exemple, est impliqué dans la lutte contre le Sida et la prévention de la violence chez les jeunes dans leur pays d’origine, la Guinée.

La religion est importante pour beaucoup de jeunes musiciens africains. La croyance est une clé morale principale dans le travail des artistes aussi divers que le boys band marocain « MidNight Shems », « Les Escrocs » du Mali, et les vétérans du rap comme Dread Skeezo et Docta du Sénégal. Les membres de Silatigui considère le rap africain, avec ses composantes spirituelles, comme plus intéressant que le rap produit aux Etats-Unis, qui s’embourbe dans la vulgarité et le matérialisme. On trouve également des approches comme celle du combo rap sénégalais Keur Gui et du Franco-Sénégalais Général Snipe frappeur, qui ont pris pour cible les autorités islamiques traditionnelles dans leur pays et employé leur musique pour critiquer durement la corruption et les abus de pouvoir parmi les personnages religieux.

En Afrique de l’Ouest, l’Islam et le rap font partie de la culture quotidienne qui tisse le lien social, et les deux sphères ont commencé à s’imprégner l’un l’autre. Dans sa chanson Seulebou Yoon, la rappeuse Sister Fa rapporte : « Elle (la musique) était là à l’époque du prophète. Les croyants ont été unis pendant la nuit pour chanter des hymnes de louange à Allah ». Ce qui veut dire par là qu’elle croit que la musique et l’Islam ne sont pas mutuellement exclusifs.

Par Daniel Bax

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