Au musée Dapper, à Paris, Henri Sagna présente six installations autour du moustique. Un thème sur lequel le plasticien, designer et décorateur sénégalais travaille depuis 6 ans. Pour avertir sur les dangers de la malaria et dénoncer, par métaphore, les guerres africaines.
Parmi les dix plasticiens de l’exposition Sénégal contemporain du musée Dapper, Henri Sagna est le seul à avoir une pièce pour lui tout seul. La salle est peinte dans un orange éclatant et il y a cinq néons en longueur suspendus, des moustiquaires… et des moustiques ! Mais pas n’importe quelles bestioles. Les insectes sont tout droit sortis de l’imagination de Sagna, avec de longues pattes en fil de fer galvanisé, des abdomens en bouteilles de soda et des ailes de rhodoïd (papier transparent). Les proportions sont monstrueuses, et pour cause. Henri Sagna est obnubilé par les moustiques.
« Je travaille sur le thème du moustique depuis 6 ans. Avant, chaque année, j’allais dans le village de ma mère et dans celui de mon père et j’attrapais un palu. Ça m’a traumatisé. Le moustique me hante. Avant de dormir, je le traque dans ma chambre et je ferme soigneusement ma moustiquaire. Je fais tout pour le combattre. Je souhaite attirer l’attention sur la malaria, transmise par ces insectes. Les gens meurent du paludisme à cause de l’ignorance, du manque de moyens et par négligence. Certains pensent encore que la maladie n’est pas mortelle ! » Alors que le palu, en Afrique, tue plus que le sida.
Faire respirer les sculptures
Mais les mosquitos de Sagna sont aussi des supports métaphoriques. « Je les vois comme des hommes. Les hommes ont aussi leur manière de piquer, de faire du mal. On pense à la violence, aux guerres africaines. Les moustiques sont comme les rebelles. Par le biais de mes œuvres, je lance un appel aux politiques pour qu’ils gèrent les problèmes de leurs pays car on a besoin de paix en Afrique. » Henri Sagna, né en 1973, est donc un artiste engagé. « Je suis sensible à mon environnement, c’est normal, j’en fais partie ! » C’est d’ailleurs pour cela qu’il a choisi d’entrer dans la section Environnement de l’Ecole des arts de Dakar, en 2000. Designer, il a aussi réalisé des décors de scène, des fresques murales et des sculptures. Mais il aime particulièrement les installations, comme les six qu’il a apportées du Sénégal au musée Dapper. « Comme j’ai une formation d’architecte d’intérieur et d’extérieur, je joue avec l’espace. Je veille à ce que l’ensemble soit aéré pour que les sculptures puissent respirer. Chaque milieu détermine l’installation », explique-t-il.
En 2005, il a obtenu le Premier Prix du Salon national des plasticiens sénégalais et a représenté son pays aux derniers Jeux de la Francophonie, en décembre dernier au Niger. Et si son travail trouve un véritable écho dans son pays natal, pas de doute qu’il plaise aussi en France. En plus de sa présence à Dapper, il sera invité en résidence à Paris par le Festival de la rue Léon et la Cité internationale des arts et exposera du 16 août au 16 septembre prochains. Un joli coup de pouce pour cet artiste qui gagne sa vie en tant qu’illustrateur et décorateur et qui dit avec simplicité : « L’art est venu en moi naturellement. »
Henri Sagna expose au musée Dapper jusqu’au 13 juillet
Musée Dapper
35, rue Paul Valéry
75016 Paris
Tél : (00 33) 1 45 00 91 75
Ouverture tous les jours, sauf le mardi, de 11 à 19h.