Hasni, le cheb mal-aimé de son vivant et porté aux nues à sa mort, revient avec une compilation signée Hafsi. Plus qu’un album, c’est un hommage à celui qui est parti trop tôt, happé par la folie intégriste. Nbghok bla shour. Nous t’aimons sans sorcellerie.
Le perroquet se transforme en rossignol. À ses débuts, Cheb Hasni a dû faire face aux railleries et sarcasmes dans toute l’Algérie, et particulièrement dans la capitale, sauf en Oranie. La blague qui courait le plus sur lui est celle de ce client qui demande à son disquaire la dernière cassette de Hasni et qui s’entend répondre « celle du matin ou de l’après-midi ? ». Car le jeune chanteur de Mascara était prolifique. Plusieurs cassettes par an. Même ses fans n’arrivaient pas à le suivre. « Dès qu’il entend un air à la radio ou dans la rue, il improvise une chanson…qu’il enregistre le jour même », raconte Halim, un fan « très proche ». Les journalistes algérois le qualifiaient de perroquet car « il ânonnait des chansons pillées dans la musique orientale ». N’empêche, le perroquet s’est transformé en rossignol, en idole des jeunes qui se reconnaissaient en lui.
Etrange alchimie
On a fait l’amour dans une baraque pourrie. Hasni a eu grand succès en reprenant la chanson « La Baraque », où il raconte ses exploits charnels avec sa bien-aimée. Dans une Algérie qui commençait à découvrir la démocratie – l’intégrisme en était aussi à ses premiers balbutiements- la chanson fut un défouloir. Les jeunes, frustrés sexuellement, s’y reconnaissaient. Hasni est passé du statut de chanteur pour midinette à celui de contestataire. Malgré lui. Car il continuait à sortir des cassettes (la notion d’album n’existait pas) à la douzaine. Plusieurs titres ne lui survivront pas. D’autres tout aussi kitch sont devenus des hymnes de la jeunesse.
La compilation Raï Masters a ce défaut de toutes les compilations. Elle n’englobe pas toute la vie artistique du chanteur. Dommage, par exemple, que la chanson « visa » ne soit pas dans l’album. Mais on ne va pas bouder son plaisir. À vos écouteurs !