Les premiers lauréats de la première édition du concours Harubuntu des porteurs d’espoir et créateurs de richesse africains ont été distingués lundi soir à Bruxelles. Ils sont devenus les nouveaux ambassadeurs d’une Afrique qui souhaite que le regard que porte sur elle l’Europe change.
La première édition du concours Harubuntu des porteurs d’espoir et créateurs de richesse africains est allée chercher ses premiers lauréats au Sénégal, en Tanzanie, au Mali et au Cameroun. Trois lauréats et deux coups de coeur ont été récompensés ce lundi dans la capitale belge, Bruxelles. La mairie de Ngor, au Sénégal a reçu le trophée, réalisé par le sculpteur congolais Alfred Liyolo, dans la catégorie Autorité locale. Celui décerné dans la catégorie Entreprenariat est allé au projet audiovisuel camerounais Africaura. Quant à la catégorie Société civile, le prix est revenu à l’initiative Kigoma College by Radio (Kicora). Le mensuel malien Graine d’espoir, consacré au monde agricole, et le Festival culturel international des personnes handicapées, Handifestival, ont été les deux coups de cœur du jury du concours.
Les visages de l’espoir
A Ngor, presqu’île située à 20 minutes de Dakar, la capitale sénégalaise, la mairie a mis en place un système de gestion et d’entretien de sa plage, haut lieu du tourisme dakarois. « Depuis 2004, nous avons fixé une taxe environnementale de 200 F CFA », explique Mamadou El Hadj Kane, le maire indépendant de Ngor. C’est le ticket d’entrée sur la plage de Ngor qui a permis de créer, entre autres, une cinquantaine d’emplois pour les jeunes. Ils gèrent les entrées, s’occupent du nettoyage de la plage et sont les maîtres-nageurs qui encadrent la baignade. Les jeunes, c’est aussi l’une des priorités du projet Kicora initié par le Burundais Deo Baribwegure à Kigoma, dans le nord-ouest de la Tanzanie. » Kigoma College by radio » (Kicora) est un projet d’éducation à distance, progressivement mis en place depuis 2000, dont l’ultime étape est d’utiliser la radio pour éduquer les jeunes et les adultes de Kigoma. Grâce à des cours accélérés enregistrés sur MP3 par des enseignants et de facilitateurs qui réunissent chaque jour les « élèves « , le savoir arrive dans les foyers les plus reculés de cette partie de la Tanzanie qui compte presque 800 000 âmes. Les programmes dispensés sont un concentré de ceux de l’éducation nationale et permettent aux bénéficiaires de passer les examens nationaux.
Pour Deo Baribwegure, la révolution en Afrique passe par l’éducation. Joseph Dandjie, lui, caméraman de son état, veut faire de l’image le catalyseur du renouveau africain. Africaura, c’est mettre en images tous les préjugés dont souffre l’Afrique dans une série télévisée afin de les déconstruire. « Il faut que l’Afrique soit maître de son image. Mon travail et mes multiples collaborations m’ont fait comprendre que nous utilisions la culture en Afrique pour le folklore. Ailleurs, la culture sert à imager et à imaginer la prospérité ». Sa future production audiovisuelle a donné naissance à 52 tableaux qui reprennent chacun la thématique d’un épisode de la future série africaine produite par des Africains. Changer les perceptions en utilisant la culture comme arme, c’est aussi le parti pris d’Handifestival. Le festival culturel, dont la prochaine édition est prévue en décembre prochain, est inédit au Sénégal. En mettant en avant les talents des personnes handicapées, il a démontré qu’ils étaient tout simplement des « personnes », souligne Rokhaya Drame, représentante d’Handifestival à la cérémonie de remise des prix. L’autre coup de cœur du prix Harubuntu, la revue Graine d’espoir est un outil de valorisation. Mais cette fois-ci du monde agricole. « Notre objectif, explique Mahamane Garba Touré, rédacteur en chef du mensuel, est de sensibiliser et d’informer le monde rural ». Le journal, installé à Gao, le fait notamment en mettant en lumière des techniques locales, souvent délaissées. Elles constituent des alternatives plus intéressantes pour les agriculteurs à qui on propose trop souvent des solutions modernes beaucoup plus onéreuses. <doc5285|right>
Les ambassadeurs d’un Afrique qui résiste au sous-développement
Les personnalités et les projets distingués par le concours Harubuntu sont, chacun dans leur domaine, le reflet d’une Afrique qui cherche des solutions à son sous-développement. « L’Afrique a changé et elle bouge. C’est le message qu’essaie de diffuser l’Union africaine dans le monde, a affirmé lundi Mahamat Saleh Annadif, représentant permanent de l’Union africaine auprès de l’Union européenne. Malheureusement nos interlocuteurs ont du mal à se dépêtrer des préjugés qu’ils ont sur l’Afrique. Le concours Harubuntu est l’expression de ce visage de l’Afrique que nous nous évertuons à montrer à l’Union africaine. C’est une formidable initiative dont je salue les instigateurs ».
Des instigateurs qui sont heureux d’avoir relevé le défi de la première édition d’Harubuntu. « Le choix du jury semble avoir été bon, parce que les lauréats témoignent d’un important effet démultiplicateur de l’estime de soi. C’est ce que nous souhaitions et nous avons l’impression d’avoir été à l’origine de quelque chose d’important. Pour que le regard de l’Europe sur l’Afrique évolue, il faut porter un autre regard sur l’homme. Plus on arrive à valoriser l’homme, plus on donne de la dimension à son projet. C’est en mettant des visages sur les potentiels de l’Afrique que les Européens modifieront leur regard sur le continent africain et contribueront autrement à son développement en mettant en place d’autres modalités de coopération, insiste François Milis, le secrétaire général de l’ONG belge Echos Communication, organisateur du concours en partenariat avec Cités et gouvernements locaux unis d’Afrique (CGLUA).
Mettre l’homme au centre de la coopération
Même son de cloche chez Jean-Pierre Elong Mbassi, le secrétaire général du CGLUA. « On a vu juste dans la mesure où c’est promouvant des figures concrètes que nous arriveront à faire évoluer l’image de l’Afrique en Europe. C’est une œuvre de longue haleine. Harubuntu sera le point de ralliement de ces figures du changement à condition que nous fassions preuve d’opiniâtreté, que nous résistions à la lassitude si les résultats ne sont pas immédiats. Si nous avons choisir d’affirmer haut et fort que le regard sur l’Afrique doit changer, c’est parce que si le monde se désintéresse de l’Afrique, il se met en danger. Les valeurs africaines sont celles qui sauveront le monde. Je ne le dis pas parce que je suis Africain. C’est en Afrique qu’a été faite, pour la première fois, la déclaration des droits des personnes dans l’Empire du Mali au 13e siècle. Il ne faut pas oublier que l’homme est apparu en Afrique. La profondeur culturelle et historique de l’Afrique ne peuvent qu’enrichir le monde ». L’intérêt des médias, selon François Milis, est un encouragement et une pression supplémentaire. « Nous avons, semble-t-il, rempli un vide. Celui de la reconnaissance mutuelle entre l’Afrique et l’Europe ». La deuxième édition d’Harubuntu sera lancée en décembre 2009.
Lire aussi : Proplast : la petite entreprise écolo des femmes de Thiès