Harcèlement sexuel : une plaie pour les étudiantes du Cameroun


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Harcèlement sexuel et déontologie universitaire (Ed. Clé, 2010), l’ouvrage bilingue de Jean-Emmanuel Pondi, professeur de sciences politiques au Cameroun, met en scène plusieurs cas de figures de harcèlement sexuel en milieu universitaire. Il expose également les voies de recours, parfois mal connues, dont disposent les victimes pour se mettre à l’abri de leurs bourreaux. Un livre clair et utile.

De notre correspondante au Cameroun

Le harcèlement sexuel est le lot quotidien de nombreuses jeunes Camerounaises. L’auteur, le Pr. Jean-Emmanuel Pondi, commence son ouvrage par des exemples et témoignages racontés par les victimes elles-mêmes. Elles s’appellent Josepha, Catherine, Marie-Odette, Flavie, Perpétue ou encore Danielle. Elles sont de jeunes bachelières et entrent en première année dans des facultés ou grandes écoles. L’université est un nouveau monde pour elles. Mais très vite, elles découvrent la dure réalité de ce milieu : le harcèlement sexuel.

Jean-Emmanuel Pondi parcourt les méandres de cette atteinte aux droits de la femme. En cinq chapitres, il raconte d’abord quelques histoires de victimes de harcèlement. Puis, il définit les deux concepts principaux autour desquels sont construits son livre : le harcèlement sexuel et la déontologie. Dans le 3e chapitre de son ouvrage, M. Pondi présente les causes du harcèlement sexuel en milieu universitaire : « la faiblesse du ratio de l’encadrement académique, c’est-à-dire le barème enseignants-apprenants ; les spécificités de l’évolution démographique observées à l’université ; l’insécurité financière de la masse estudiantine ; la quasi-démission d’un nombre important de parents de leurs responsabilités pédagogiques et morales ; le recours «à la facilité » d’une certaine catégorie d’étudiantes peu enclines à s’adonner à un effort intellectuel de longue durée ».

Le harcèlement sexuel des étudiantes est une lapalissade pour tous ceux qui côtoient le milieu universitaire. Ici, le succès académique des filles est plutôt suspect et certaines filles ont honte de dire qu’elles sont brillantes et qu’elles ont réussi à force de travail. Des jeunes filles quittent les bancs de l’université par crainte d’un enseignant à qui elles refusent de céder. Edwige A. rêvait de devenir magistrate. Après le baccalauréat, elle s’inscrit à la faculté de Droit de l’ancienne université de Yaoundé, celle d’avant la réforme universitaire. Elle subit alors un harcèlement sexuel soutenu et suivi de son enseignant de Droit constitutionnel. Ses parents, pour la protéger, décident de l’envoyer au Gabon où elle achève ses études.

Une invitation à la résistance

Les méthodes des enseignants harceleurs sont presque toujours les mêmes : invitation à un restaurant, rendez-vous de travail dans les hôtels à des heures tardives, humiliation en plein cours ou compliment à tort et à travers… Mireille M. a connu un cas assez exceptionnel. Elle voulait devenir enseignante d’université. Avec la création des six universités d’Etat du Cameroun en 1993, cet avenir lui souriait d’autant plus qu’elle avait le potentiel nécessaire pour l’atteindre. Seulement, lors de sa quatrième année d’études, alors qu’elle préparait son mémoire de maîtrise, elle a vécu les périodes les plus difficiles et humiliantes de sa vie académique. Son encadreur lui donnait des rendez-vous dans des hôtels pour discuter de sa recherche. Face à ses multiples refus d’honorer ces rendez-vous, elle est devenue indésirable dans le bureau de l’enseignant. Elle n’avait plus le droit de travailler avec lui. Elle n’était plus reçue. Sa soutenance fut pour elle et sa famille « une torture, un cauchemar » : « Mon encadreur m’a humiliée publiquement. Ses collègues ont déchiré mon mémoire et j’ai eu la note de 11/20. Je ne pouvais plus postuler en année de doctorat parce qu’il me fallait avoir au moins 12/20. Ils le savaient. J’étais désespérée. J’avais le choix entre laisser tomber complètement mes études et accepter de reprendre mon travail avec le même enseignant au risque de subir les mêmes assauts. J’ai décidé d’abandonner. » Raconte-t-elle, amère. Heureusement, le temps a joué en sa faveur. Elle a quitté le Cameroun pour le Burkina Faso, puis le Mali où elle est maintenant installée. Mais elle a de nombreux regrets, même si elle travaille dans un organisme international.

Ce sont des cas comme ceux-ci que l’auteur veut faire connaître et prévenir à travers cet ouvrage. Il donne aux étudiantes des pistes pour s’en sortir. Il leur conseille d’avoir le courage de dénoncer les enseignants harceleurs, car les femmes ont des droits qu’elles doivent apprendre à défendre. « Les harceleurs ont passé leur temps à faire croire aux étudiantes que c’est la seule voie pour réussir. Amenant même celles qui ont pu s’en sortir de par leurs efforts à être vues comme des personnes qui ont obtenu leur succès à travers le harcèlement», explique le professeur Jean-Emmanuel Pondi qui incite les étudiantes à connaître les structures qui peuvent les aider.

Harcèlement sexuel et Déontologie universitaire est un ouvrage bilingue (Français, anglais), digeste et facile à lire. Il vise à combattre le harcèlement sexuel en milieu universitaire. Ecrit dans un style simple, il est accessible à tous et se lit en quelques heures.

 Harcèlement sexuel et Déontologie universitaire, de Jean-Emmanuel Pondi, Editions Clé, Yaoundé, 77 pages. Prix : 2000 FCFA, soit environ 3 euros.

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