Le groupe Haoussa s’est produit en clôture du festival Timitar à Agadir, au Maroc, samedi dernier. Le public était nombreux à venir voir cet OVNI rock d’inspiration issaouie qui sillonne depuis 8 ans déjà les scènes alternatives. Entretien avec Khalid, parolier du groupe.
Un vent de fraîcheur a soufflé ce week-end sur Timitar. C’est un rock festif, contestataire, métissé, théâtral et clownesque que les musiciens du groupe Haoussa ont servi au public d’Agadir, en clôture du festival des musiques amazighes, samedi. Haoussa est un groupe d’agitateurs scéniques. Ils chantent haut et fort ce que les gens pensent bas dans les terrasses des cafés. « La police tabasse et le ministre ramasse », martèle Khalid dans la chanson Wada3. Certains considèrent Haoussa comme le premier groupe punk marocain, d’autres les trouvent davantage funky et Hip Hop, et eux se disent inspirés de la musique traditionnelle issaouie. Haoussa est tout cela à la fois. Emmené par le chanteur et parolier au verbe acéré Khalid, ils ont enflammé la scène Bidjaouane samedi. Khalid, pantacourt et casquette de biais, nous a accueillis avec un sourire détendu dans sa loge à l’issue du concert. Interview à chaud.
Afrik.com: On fait souvent référence au genre issaoui pour présenter votre musique alors que, sur scène, vous n’utilisez pas d’instruments traditionnels. Qu’est-ce qui relève du Issaoui dans votre musique ?
Khalid : On s’est dit que l’instrument en lui-même n’est pas une finalité. Il est là pour transmettre un message ou un feeling. Cela est difficile à faire. C’est un défi pour nous de pourvoir faire des choses issaouies sans jouer de rythmique issaouie, ni d’instruments tel que le bendir.
Afrik.com: Si on vous demandait de résumer votre style de musique en deux mots, qu’est-ce que vous diriez ?
Khalid : En deux mots, je dirais que c’est du rock issaoui. Parfois, on nous taxe de punk aussi. Cela est peut-être dû au côté provocateur. On pourrait aussi ajouter un troisième style : le Hip Hop. Je peux dire que le rock est pour 40 % dans notre musique, le issaoui pour 40%, le Hip Hop pour 15 %, et les 5% qui restent, sont destinés à la marge d’erreur (il explose de rire).
Afrik.com: Vous semblez apprécier les statistiques…
Khalid : Je suis économètre de formation (rires). C’est pour cela que j’ai toujours un faible pour les statistiques, les prévisions, les estimations.
Afrik.com: Les membres de Haussa bougent beaucoup sur scène, portent des costumes, se parlent et échangent beaucoup avec le public entre les morceaux. Quelle place le théâtre a-t-il dans vos concerts ?
Khalid : Il est là sans qu’on le travaille. Ce n’est pas quelque chose de fixe. Cela dépend de l’état d’esprit, de l’ambiance. On aime bien faire la fête et bouger. On se dit aussi que les gens ne viennent pas aux concerts seulement pour écouter les musiciens, mais avant tout pour les voir. Et c’est toujours mieux quand tu gesticules ce que tu chantes. Surtout vis-à-vis des gens qui ne comprennent pas la langue.
Afrik.com: Au départ, votre voix nasillarde était un handicap pour vous. Un handicap que vous avez su retourner à votre avantage
Khalid : Au début, j’ai dit aux gars : « Ecoutez, je ne vais pas chanter, ma voix ne va pas ». Je n’étais à l’aise, j’étais adolescent. Mais ils m’ont encouragé, j’ai fini par les écouter.
Afrik.com: Une date de sortie pour votre très attendu premier album ?
Khalid : C’est prévu entre mi-octobre, mi-décembre. Je n’aimerais pas que cela traîne plus longtemps.
Afrik.com: Dans vos chansons, vous n’hésitez pas à critiquer l’autorité, la corruption au sein du pouvoir. La musique est-elle un outil de contestation pour vous ?
Khalid : Je pars de l’idée que, pas seulement les musiciens, les artistes en général sont des animaux. Dans le sens où les animaux sont les premiers à prévoir les catastrophes. Les artistes, à mon avis, doivent faire cela aussi. Renifler les choses avant qu’elles ne pourrissent.
Afrik.com: Quelles sont les limites que vous ne dépasserez pas ?
Khalid : La première des limites, c’est la vulgarité. J’évite de passer pour quelqu’un de vulgaire. Parce que je considère que ce qu’on chante est destiné à tout le monde. Je ne veux pas que mon, père, ma mère ou mon voisin, soient à l’écart de ce qu’on dit ou de ce qu’on chante. C’est la première et la dernière des limites.