La question de l’accès au logement des Africains en France est un véritable problème. Il faudra avoir du courage pour s’y confronter afin que cet accès ne soit plus le lieu d’inégalités.
Le logement est l’un des terrains dans lequel se joue un rapport de force symbolique d’une dynamique beaucoup plus globale des rapports Nord/Sud. Il apparaît comme l’un des champs des manifestations les plus visibles de la place qu’une société accorde à ses citoyens.
La bataille des associations pour le droit au logement pour tous constitue indéniablement une bataille noble mais à mon sens insuffisante puisque l’accès au logement, lorsqu’il devient possible, n’est pas pour autant égalitaire. En effet, cet accès s’inscrit, pour beaucoup d’Africains, dans un processus de ghettoïsation forcée. Aujourd’hui, les personnes d’origines africaines sont surreprésentées dans les quartiers les plus défavorisés de France. Cette ségrégation au niveau local s’inscrit dans un contexte socio-économique mondial où les pays africains sont dits « défavorisés » et les pays européens tels que la France « développés ». La question du logement pose ainsi des questions complexes plus globales en partie liées à la perception que les Occidentaux ont de la place des Africains et de la place que ces mêmes Occidentaux s’octroient.
Les sources de cette ségrégation sur la question du logement sont donc multiples et la bataille contre ces inégalités doit se jouer sur plusieurs plans. D’un point de vue économique, il me semble que cette bataille doit être menée en tenant compte des lois du marché actuelles dictées par une économie libérale caractérisée par la loi de l’offre et de la demande. En effet, je suis convaincu qu’une partie de la solution pour améliorer l’accès au logement « digne » des personnes d’origines africaines est à envisager sous l’angle économique.
Dans cette optique, il m’apparaît plusieurs pistes de réflexion pouvant favoriser un mouvement de refus de la ségrégation par l’économique.
Nous savons que la discrimination dans l’accès au logement des Africains est aujourd’hui entretenue par certaines agences qui, dans un seul souci de profit, acceptent de ne pas présenter de potentiels locataires/acheteurs d’origines africaines à des clients leurs en ayant fait la demande. Nous pouvons collectivement répondre à ces pratiques discriminantes par le « name and shame ». Une méthode permettant à tous citoyens conscients de ne passer uniquement que par des agences immobilières refusant toutes formes de discrimination et de refuser systématiquement de mettre en location/vente ou d’acheter/louer un bien par le biais d’agences ayant été repérées comme discriminantes.
Une autre piste réside dans une démarche citoyenne de création de plateformes de notation incitant les entreprises désireuses de préserver une bonne image à se conformer aux bonnes pratiques. Il s’agit de mettre le « consommacteur citoyen à la fois consommateur et acteur de sa consommation » au centre des préoccupations de l’entreprise. Si individuellement, nous changeons de comportement, l’entreprise ne pourra que s’adapter pour répondre aux besoins de la demande.
Enfin, même si une posture ouvertement raciste existe, elle n’est pas toujours le seul facteur explicatif des demandes discriminantes de certains clients et de l’acceptation de ces dernières par certaines agences. La « non connaissance de l’autre » incite souvent les agences immobilières à sur-développer ce que nous nommons en économie l’aversion au risque. Il faut donc favoriser une véritable politique de brassage qui permettra une meilleure connaissance de « celui qui ne nous ressemble pas ». Une mixité qui par ailleurs apparaît comme un formidable levier de cohésion sociale. Aussi, nous sommes, faut-il le rappeler, dans une république de tradition jacobine avec un rôle prépondérant de l’État. À travers une réelle volonté politique, l’État doit aussi jouer son rôle en incitant à un plus grand brassage.
Nous avons collectivement – Européens et Africains – les moyens de combattre ces inégalités et de rompre avec l’hypocrisie et le silence qui entoure bien trop souvent ces questions-là. C’est une question de volonté de chacun de nous de parler et d’agir pour plus d’égalité.
Daby Pouye