René Préval a été déclaré vainqueur des présidentielles haïtiennes du 7 février dernier avec 51% des voix, ont annoncé jeudi matin le gouvernement national et la Commission électorale, après une nuit de concertation. Depuis une semaine, les partisans de René Préval, crédité de 48% des suffrages, ont manifesté pour dénoncer des fraudes et réclamer sa victoire dès le premier tour.
« Nous avons trouvé une solution au problème », s’est réjoui jeudi matin Max Mathurin, le président du Conseil électoral provisoire haïtien, après que son institution et des membres du gouvernement haïtien se soient mis d’accord, tard dans la nuit, pour déclarer René Préval vainqueur au premier tour des élections présidentielles du 7 février. A l’issue de la rencontre, Gérard Latortue, le Premier ministre haïtien, interrogé par l’agence Associated Press, a officiellement reconnu « la décision finale du Conseil électoral » et salué « l’élection de M. René Préval comme Président de la République d’Haïti ». Selon Michel Brunache, directeur du cabinet du Président par intérim Boniface Alexandre, le candidat du mouvement Espoir a remporté le scrutin avec 51,15% des voix.
Agé de 63 ans, René Préval a déjà été Président d’Haïti du 7 février 1996 au 7 février 2001. C’est un proche de l’ex-Président Aristide, contraint à la démission et à l’exil, en Afrique du Sud, le 29 février 2004.
« Une grande satisfaction »
Jeudi matin, Max Mathurin n’a pas caché son soulagement et sa « grande satisfaction pour avoir libéré le pays d’une situation vraiment difficile ». Depuis plus d’une semaine, les partisans de René Préval ont manifesté par milliers dans les rues de Port-au-Prince, la capitale, ainsi que dans l’intérieur du pays, pour réclamer sa victoire dès le premier tour. La situation était particulièrement tendue ce lundi, où des milliers de personnes ont marché vers les institutions chargées de l’organisation des élections, le siège du Conseil électoral ayant même été envahi. Les troubles avaient fait un mort et des blessés lors de tirs que des témoins ont attribué à des Casques bleus. David Wimhurst, le directeur de la communication de la Minustah, avait expliqué que les militaires avaient « tiré en l’air » pour éparpiller la foule, mais à aucun moment « sur des manifestants ».
René Préval contestait les résultats qui le créditaient d’environ 48,7% des suffrages, après dépouillement de 90% des bulletins, assurant que des fraudes l’avaient privé de sa victoire au premier tour. « Nous sommes certains d’avoir des arguments pour passer dès les premier tour », a-t-il assuré mardi en appelant ses partisans à poursuivre les manifestations pacifiquement. Le même jour, une chaîne de télévision avait diffusé les images de bulletins de vote « blancs » jetés dans une décharge proche de Port-au-Prince. Le porte-parole de la Minsutah, chargée de la protection des urnes, avait reconnu qu’il « n’est pas normal de trouver ces bulletins à cet endroit », tout en rappelant que neuf bureaux de vote avaient été détruits le jour du scrutin. Deux jours plus tôt, un membre de la Commission électorale avait dénoncé « un certain niveau de manipulation » et réclamé une enquête, accusant directement le directeur de l’institution de refuser l’accès à l’information sur le décompte des bulletins aux autres membres du Conseil ».
Le vote blanc en question
Mercredi, le gouvernement avait mis en place une commission comprenant le mouvement du candidat Préval, Espoir, chargée d’enquêter sur les accusations de fraude et de rendre ses conclusions dans les trois jours. La proclamation des résultats officiels, sans cesse repoussée depuis le début des manifestations, avait été suspendue. La Commission électorale ne dit pas comment elle est parvenue à créditer René Préval de 51,15% des suffrages. Mais le Brésil, qui dirige la Minustah, a proposé d’exclure du décompte 85 000 bulletins blancs, doutant de leur réalité, faisant ainsi passer son score de 48 à 51%.
Reste à savoir quelle sera la réaction des adversaires du nouveau Président. Mardi, Leslie Manigat, arrivé en deuxième position avec 11,83% des voix, a indiqué à l’AFP qu’il avait déjà été approché pour se retirer de la course et avoir « répondu non ». « Si un candidat obtient 50% des voix plus une, je m’incline ». Dans le cas contraire, « un deuxième tour est nécessaire », a ajouté l’ex-président de la République d’Haïti, renversé en 1988 par un coup d’Etat militaire après quelques mois de pouvoir.