La Tunisie comme on a peu l’occasion de la voir. Résolument contemporaine et high-tech, branchée musique électronique et piratages informatiques. C’est ce que propose Nadia El Fani avec son film Bedwin Hacker qui sort mercredi en France.
« Si vous n’aimez pas le bruit des bottes, portez des babouches. » Les télévisions occidentales sont piratées par un petit dromadaire qui porte ces drôles de messages anti-conformistes signés « Bedwin Hacker ». Qui est donc Bedwin Hacker ? Kalt, une jeune Tunisienne, surdouée de l’informatique, qui pirate les satellites depuis l’oasis de Midès. Et c’est l’histoire qu’a choisi de filmer la réalisatrice franco-tunisienne Nadia El Fani.
Un scénario bien ficelé pour un film d’espionnage made in Tunisia vraiment réussi. Une histoire d’aujourd’hui qui permet à la réalisatrice de faire sauter quelques tabous. Kalt est bisexuelle et compte dans sa tribu d’amis un couple de femmes. Quant à ses copines, elles sont belles, libérées et souvent décalées par rapport à la société tunisienne encore largement archaïque. C’est donc une Tunisie résolument contemporaine, qui vibre pour la musique électronique, que Nadia El Fani a voulu montrer. Cette dernière va jusqu’à détourner les clichés vendus aux touristes en mal d’exotisme : ainsi, on aura droit au jasmin et au couscous en piqûres de rappel, ainsi qu’à la médina, qui devient le haut lieu des magouilles électroniques.
Sonia Hamza, la découverte
Le film est également le prétexte pour la réalisatrice de prendre position sur l’immigration, la politique intérieure tunisienne et les archaïsmes de la société. « Il faudrait savoir : on voyage sur les satellites et de retour sur terre, c’est le Moyen-Age », dénonce l’une des héroïnes. Le film, dynamique et rythmé, a été tourné en numérique et en 7 semaines. « L’équipe était essentiellement tunisienne. Elle mêlait des gens expérimentés et des plus jeunes. Du coup, nous avons travaillé comme en famille. Les membres de l’équipe ont accepté tous les sacrifices, ils ont été payés au minimum et jouent certains petits rôles. Sans leur soutien, je n’aurais jamais pu faire le film », explique Nadia El Fani. Un esprit de troupe qui se retrouve dans l’homogénéité et la bonne humeur du film.
Bedwin Hacker permet aussi de faire une découverte : celle Sonia Hamza, qui joue le rôle de Kalt. « J’ai rencontrée Sonia dans une soirée en Tunisie et elle collait exactement au personnage que j’avais en tête. Elle n’avait jamais joué mais j’ai quand même réussi à la convaincre de faire le film et ça s’est très bien passé ! Je l’ai mise devant la caméra sans avoir trop répété, ça a fonctionné. Maintenant, elle a des propositions de rôles… », précise la réalisatrice. Avec sa coupe à la garçonne, ses yeux noirs veloutés et son corps sensuel drapé dans la panoplie treillis-débardeur, Sonia endosse le personnage de Kalt à merveille. Incarnant aussi une nouvelle image de la Tunisie. Moderne et libérée.
Lire l’interview de la réalisatrice.