H comme Hammam


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L’apprentissage : H comme Hammam. Un livre sur Internet, sous forme d’abécédaire, pour dire en 100 mots comment la France adopte ses enfants de migrants. Véritable « Lettres persanes » du XXIe siècle, l’initiative de la journaliste/auteur Nadia Khouri-Dagher a séduit Afrik.com qui a décidé de vous offrir deux mots par semaine. A savourer, en attendant la parution du livre courant 2007.

De A comme Accent à Z comme Zut, en passant par H comme Hammam ou N comme nostalgie, 100 mots pour un livre : L’apprentissage ou « comment la France adopte ses enfants de migrants ». Une oeuvre que la journaliste/auteur Nadia Khouri-Dagher a choisi de publier d’abord sur Internet. Un abécédaire savoureux qu’Afrik a décidé de distiller en ligne, pour un grand rendez-vous hebdomadaire. Une autre manière d’appréhender la littérature…

H

Hammam

Pour Yasmina Zerroug

Je vis en France depuis plus de trente ans, mais mes gestes de toilette au quotidien sont ceux d’une femme d’Orient. Et par ces gestes minuscules, ces gestes de chaque jour, je vis, même en plein Paris, même en plein hiver, mon identité de femme d’Orient.

J’utilise ainsi l’eau de rose pour mon visage. Je l’achète chez mon épicier libanais, et l’étiquette du flacon, décorée d’une rose très rose, annonce en arabe ward, qui signifie rose, et le mot « rose » est l’un des mots les plus fréquents de la poésie arabe et donc de la chanson, porte du paradis fleur d’Orient éminemment. J’achète aussi les savons d’Alep, à l’huile d’olive et à la feuille de laurier – c’est nous qui vous avons appris le savon, qui ne le connaissiez pas encore au Moyen-Age, vous l’avez rapporté chez vous après vos Croisades chez nous – ces savons me rappellent mon enfance, les bains dans les maisons familiales de Zahlé aux vastes salles de bain carrelées, ces bains au broc d’eau car il n’y avait pas encore là-bas l’eau courante, ce qui amusait les petites Beyrouthines petites citadines que nous étions déjà, et nos mains d’enfants pouvaient à peine tenir ces gros cubes verts ou blancs, et me laver avec ces savons-là c’est ne pas perdre mon enfance l’avoir emmenée avec moi. J’aime me parfumer d’essences de fleurs pures, rose jasmin ou oranger ou autre floraison, je les achète dans les souks lors de mes voyages ou chez Fragonard boulevard St Germain, et me parfumer d’une goutte de rose pure le matin c’est ma manière d’affirmer à Paris mon identité aux anonymes passants, olfactivement. Et j’aime penser que j’utilise des produits naturels, qu’utilisent les femmes de ma culture depuis des siècles, et que je reproduis des gestes et des rituels ancestraux, qu’utilisent les femmes de nos régions depuis la nuit des temps.

Quand je suis dans ma salle de bains, et que je prends soin de moi avec mes eaux, mes huiles et mes savons ancestraux, ma salle de bains devient hammam – qui veut dire bain tout simplement – je deviens odalisque concubine femme d’Orient. Femme, pleinement.

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