Guy Loando Mboyo, l’aménageur national de la RDC


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Guy Loando
Guy Loando

Figure montante de la vie politique en République Démocratique du Congo, Guy Loando est depuis 2021 l’énergique ministre à l’Aménagement du territoire. Un portefeuille transversal qui permet à ce jeune quadra, originaire de la Tshuapa, de faire la démonstration de sa polyvalence. Dans quelques jours, la grande loi qu’il a portée sur le sujet devrait être promulguée par le président Félix Tshisekedi. 

Par Marc Marlière

Kinshasa, 19 novembre 2024, Université protestante au Congo. La mise impeccable, costume noir et cravate rouge, Guy Loando Mboyo pénètre dans l’amphithéâtre. Il prend place sur le fauteuil d’habitude réservé aux professeurs. La salle est pleine à craquer et l’auditoire rapidement captivé malgré l’aridité du sujet (“Loi sur l’aménagement du territoire : quelles innovations et perspectives pour une gestion durable des espaces en RDC ?”) qui pourrait rebuter.

Excellent orateur, Guy Loando est, à l’université, dans son élément. Diplômé en droit de l’UniKin, cet avocat réputé de 41 ans, spécialiste du secteur minier, intervient très régulièrement devant les étudiants. Avant cette intervention à l’UPC, il s’est rendu coup sur coup, en septembre dernier, à l’UniKin, puis à l’Université du Kongo Central. Cette semaine à nouveau, mardi 26 novembre, il était à l’Université catholique du Congo pour échanger avec les étudiants. A chaque fois avec la même énergie, le même enthousiasme. 

Entre temps, en octobre, il a inauguré « son » université, l’Université Widal de Bokungu. Située dans le chef-lieu de son fief de la Tshuapa, elle a été financée sur fonds propres via sa Fondation Widal (dont le nom est formé des initiales de ses enfants) qui lui sert à soutenir des oeuvres d’intérêt général. D’ores et déjà, des partenariats prestigieux ont été noués à l’international comme avec l’Université Paris-Dauphine, l’établissement d’enseignement supérieur français le plus réputé en économie, ou la BEM, une école de commerce présente à Bordeaux, Marseille et Paris en France, ainsi qu’à Dakar et Abidjan en Afrique. 

Cette considération portée à l’université s’explique sans doute par le contexte familial. Son père, Pierre, a longtemps été le coordinateur provincial des écoles conventionnées catholiques à Mbandka dans l’Equateur. « Guy s’est élevé à la force du poignet car il est issu d’une famille modeste. L’éducation pour lui est très importante car c’est le meilleur moyen de s’élever socialement », explique un député du Grand Nord qui le connait de longue date. 

Quoi qu’il en soit, cet intérêt pour la chose éducative et universitaire tranche au sein de la classe politique RD Congolaise où l’on affectionne davantage les lieux festifs. « Ce n’est pas si courant chez nos hommes politiques où le secteur de l’éducation en général et de l’enseignement supérieur en particulier ne sont pas la priorité qu’ils devraient être », constate, un brin amer, un professeur de l’UPC. « Heureusement, il y a des exceptions ». Dans la dernière loi de reddition des comptes 2023 de la RDC, le budget de l’éducation, déjà faible dans sa prévision, n’a été exécuté qu’à un taux d’à peine 17 %…

Couteau suisse

C’est en 2019 que Guy Loando fait son entrée en politique. D’abord comme sénateur. Puis, rapidement, deux ans plus tard, comme ministre à l’Aménagement du territoire. Un portefeuille taillé sur mesure pour celui dont la polyvalence n’est pas la moindre des qualités. « C’est un ministère très important (le troisième des cinq piliers de la feuille de route du gouvernement, NDLR). Très exigeant aussi car il est transversal. Il couvre presque tous les domaines : les mines, l’agriculture, l’environnement, mais aussi la justice, l’éducation, la santé ou encore les transports », commente un ministre qui le qualifie de « couteau suisse du gouvernement ». « Il sait tout faire », dit-il, « et ça n’a pas échappé au président ».

Preuve de cette polyvalence, Guy Loando, dont le parti AREP est membre de la plateforme AB, la deuxième force politique de la majorité en RDC derrière l’UDPS, était il y a quelques jours encore à Bakou pour épauler la première ministre Judith Suminwa et la ministre de l’Environnement Eve Bazaïba lors de la COP 29. L’occasion pour lui devant la communauté internationale tout entière réunie de vendre l’image de la RDC comme « pays-solution » face aux dérèglements actuels et aux bouleversements à venir. « Dans la préservation du climat et de la biodiversité, l’apport de la RDC peut être décisif grâce à ses forêts et à son patrimoine naturel, tout comme il peut l’être dans la transition énergétique et la décarbonation de l’économie », a-t-il écrit sur son compte X sur lequel il est très actif.

Si Guy Loando est capable de parler aussi facilement de l’aménagement du territoire que de l’environnement comme d’autres sujets (des mines, des infrastructures, de l’agriculture, etc.), ce polyglotte (il parle 4 langues) peut aussi aisément le faire en français qu’en anglais. « C’est un énorme atout dans ce genre de grand-messe internationale », souligne un diplomate européen qui était au même moment à Bakou.

Aménageur national

A la tête de son ministère, Guy Loando, d’ethnie Mongo (comme un tiers de la population en RDC), a multiplié en près de quatre ans les initiatives et les projets : réalisation d’études inédites sur le potentiel agricole et sur l’ensemble des ressources naturelles du pays ; création de nombreuses agences telles que le Fonds national, l’Observatoire et la Commission de l’aménagement du territoire (FONAT, ONAT, CAT), lancement du projet GEO RDC, une grande première, qui permet, à travers la collecte et le traitement de données sur l’ensemble du territoire du pays, de cartographier précisémment l’ensemble des ressources naturelles, celles du sol (forêts, terres arables…) comme du sous-sol (mines, etc.), et d’en optimiser la gestion dans l’espace ; fondation d’une ville durable à Boma en partenariat avec l’Agence française de développement (AFD) qui devrait sortir de terre à partir de 2025, etc.  

Et surtout, élaboration d’une grande loi sur l’aménagement du territoire. Votée en 2023, elle devrait être promulguée dans quelques jours, courant décembre, par le président de la République, Félix Tshisekedi. Une petite révolution qui devrait permettre in fine d’assurer une répartition plus équitable des ressources et résourdre les conflits d’affectation des terres. Une réalisation supplémentaire à porter à l’actif de « l’aménageur national », comme il est désormais surnommé.

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