Un commando composé d’anciens membres du Front de libération du Grand Ouest, une milice proche du Chef de l’Etat ivoirien, Laurent Gbagbo, serait responsable de l’enlèvement du Guy-André Kieffer. C’est l’une des dernières conclusions, a-t-on appris mardi, auxquelles est parvenu le juge français Patrick Ramaël en charge de l’enquête sur la disparition, en Côte d’Ivoire, du journaliste franco-canadien survenue le 16 avril 2004.
Guy-André Kieffer aurait été enlevé, a-t-on appris mardi, par un commando issu du Front de libération du Grand Ouest, une milice proche du président ivoirien Laurent Gbagbo. Patrick Ramaël, le juge français, qui est en charge de l’enquête sur la disparition, en Côte d’Ivoire, du journaliste franco-canadien en a acquis la certitude lors d’un récent voyage dans le pays, dont il est revenu vendredi dernier. Des témoins rencontrés sur place, à la suite d’un appel à témoins de Bernard Kieffer, le frère du journaliste disparu, lui auraient indiqué l’endroit où se trouvait la dépouille de ce dernier. Mais elle n’a pas été retrouvée. Selon ces mêmes témoignages, Guy-André Kieffer aurait été séquestré, interrogé dans deux endroits dont le capitaine Jean-Tony Oulaï, le chef du commando, serait le propriétaire, puis assassiné. Son corps, initialement enterré dans la « ferme au poulet », appartenant à M. Oulaï, aurait été déplacé au moment où l’affaire a commencé à faire des remous. Le juge Ramaël a désormais en sa possession une liste de 17 personnes impliquées dans l’affaire Kieffer. Cinq d’entre elles, qu’il n’a pas eu l’autorisation d’interroger, appartiennent à l’armée régulière ivoirienne.
Les faits remontent au 16 avril 2004. Aux environs de 13h15, Guy-André Kieffer est enlevé sur le parking d’un supermarché abidjanais à quelques minutes d’un rendez-vous avec l’homme d’affaires ivoirien Michel Legré, le beau-frère de Simone Gbagbo, la première dame ivoirienne. C’est chez ce dernier que l’on retrouvera l’ordinateur portable du journaliste d’investigation spécialisé dans les matières premières. Au moment de sa disparition, il enquêtait sur la filière cacaoyère, l’une des principales ressources de l’économie ivoirienne. Selon un rapport d’audit de l’Union européenne, publié fin 2005, le régime du président Gbagbo détournerait l’argent de cette filière.
En Côte d’Ivoire, Legré est déjà inculpé pour
« assassinat »
Michel Legré et Jean-Tony Oulaï, ancien membre des services de renseignement ivoiriens, aujourd’hui libres de leurs mouvements, ont été inculpés, respectivement en octobre 2004 et janvier 2006, en France pour « enlèvement et séquestration ». M. Legré, également poursuivi en Côte d’Ivoire, pour les mêmes chefs d’accusation auxquels se rajoute l’ « assassinat », avait fait des révélations puis s’était rétracté. Il avait ainsi mis en cause le ministre de l’Economie et des Finances, Paul Bohoun Bouabré. A noter que l’enquête du juge Ramaël a également établi que Michel Legré aurait perçu une rétribution de ce ministère, où il s’est rendu dans l’après-midi du 16 avril 2004, pour avoir servi d’appât dans l’enlèvement de Guy-André Kieffer.
La famille et les proches du journaliste, qui se sont mobilisés dès les premières heures de sa disparition, dénoncent une certaine apathie des autorités françaises. Selon eux, au nom de « la raison d’Etat », leur mobilisation serait moindre que dans les affaires Chesnot et Malbrunot et Aubenas et Hanoun, les journalistes français enlevés en Irak, qui ont été libérés depuis. Quant à Guy-André Kieffer, cela fait 867 jours que personne n’a de ses nouvelles.
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