Aujourd’hui marque un tournant décisif dans l’histoire de la justice guinéenne. Le tribunal criminel de Dixinn a condamné huit personnes, dont Dadis Camara, pour crimes contre l’humanité, en réponse aux atrocités commises le 28 septembre 2009 à Conakry. Ce massacre, qui a coûté la vie à au moins 156 personnes et a vu au moins 109 femmes et filles subir des viols et autres violences sexuelles, est enfin reconnu pour sa gravité. Cette condamnation, près de quinze ans après les faits, représente une étape cruciale vers la justice et la réparation pour les victimes et leurs familles.
Samira Daoud, directrice régionale d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale, a salué cette décision historique. « Même si l’organisation n’a pas encore pu faire une lecture approfondie du verdict, nous nous félicitons sur le principe de la condamnation historique de huit accusés, dont l’ancien chef d’État Moussa Dadis Camara, pour crimes contre l’humanité, ce qui rend enfin justice, vérité, et une forme de réparation aux victimes et à leurs familles près de quinze ans après les faits, » a-t-elle déclaré.
Le tribunal a reconnu la gravité des crimes en les qualifiant de crimes contre l’humanité, y compris les crimes sexuels. Cette décision démontre la capacité et la volonté de la Guinée de poursuivre et de juger les auteurs de ces crimes odieux, offrant ainsi un exemple réussi de complémentarité entre la Cour Pénale Internationale (CPI) et une juridiction nationale. C’est la première fois en Afrique qu’un État investigue, poursuit et juge les plus hauts responsables de crimes qui étaient sous l’examen de la CPI.
Les condamnations
L’ancien chef d’État Moussa Dadis Camara a été condamné à 20 ans de prison. Moussa Tiegboro Camara, Marcel Guilavogui, Blaise Gomou, Paul Mansa Guilavogui, Mamadou Aliou Keita, Claude Pivi, et Aboubacar Diakité ont également été condamnés, avec des peines allant de 10 à 20 ans de prison. Claude Pivi, en fuite, a été condamné à la prison à perpétuité. Quatre autres accusés ont été déclarés non coupables de crimes contre l’humanité.
Cette décision est le résultat d’années de travail acharné et de détermination de la part des associations de victimes, des organisations de défense des droits humains guinéennes et internationales, ainsi que du soutien des partenaires internationaux. « La mobilisation des autorités guinéennes, le suivi de la CPI et le soutien des pays partenaires ont également démontré que, lorsque la volonté politique des autorités nationales est présente, la justice est possible pour les victimes de meurtres et de violences sexuelles commises par les forces de défense et de sécurité, » a ajouté Samira Daoud.
Un exemple pour l’avenir
Le verdict du 28 septembre 2009 sert d’exemple non seulement pour la Guinée mais pour le monde entier. Il met en lumière la possibilité de rendre justice même après de longues périodes d’impunité, et souligne l’importance de la volonté politique dans la poursuite de la justice pour les victimes de crimes.
Cependant, la lutte pour la justice n’est pas terminée. Amnesty International a dénoncé l’utilisation illégale d’armes à feu et la force excessive lors de manifestations en Guinée, y compris sous le régime actuel. Les crimes sexuels restent également largement impunis. Ce verdict historique est un pas en avant, mais il rappelle également la nécessité de continuer à lutter contre les abus et à promouvoir les droits humains.
Contexte du Massacre du 28 Septembre 2009
Le massacre du 28 septembre 2009 à Conakry a eu lieu lorsque des forces armées ont ouvert le feu sur des manifestants réunis au stade du 28 septembre pour protester contre l’intention de Moussa Dadis Camara de se présenter à l’élection présidentielle. Selon un rapport de la Commission d’enquête internationale de 2009, au moins 156 personnes ont été tuées et plus de 109 femmes et filles ont été victimes de viols, de mutilations sexuelles et d’esclavage sexuel.
À l’époque, un reportage de notre correspondant sur place détaillait les événements de ce jour tragique : malgré une interdiction des autorités, les forces vives ont mobilisé une grande partie de la population de Conakry pour manifester pacifiquement. Les forces de sécurité ont réagi avec une violence extrême, utilisant des matraques, des fusils et des gaz lacrymogènes pour disperser la foule, provoquant un carnage. Les leaders politiques présents ont été brutalisés et des centaines de manifestants ont été blessés ou tués. Amnesty International avait publié un rapport sur ces événements en février 2010.
La CPI avait ouvert un examen préliminaire le 14 octobre 2009. Le 29 septembre 2022, le procureur de la CPI a clôturé cet examen, reconnaissant la capacité et la volonté de la Guinée de juger ces crimes elle-même. Ce verdict historique démontre que la justice peut prévaloir, même après de longues années d’attente, et offre une lueur d’espoir aux victimes de violences similaires dans le monde entier.