L’ancien président guinéen Moussa Dadis Camara a été inculpé mercredi dans la capitale burkinabè Ouagadougou où il a été entendu par des juges guinéens. Il est poursuivi pour son rôle présumé dans le massacre du 28 septembre 2009 au stade principal de Conakry. Des opposants politiques s’y étaient rassemblés. Près de 157 personnes avaient été tuées et des dizaines de femmes avaient été violées.
Des juges guinéens ont inculpé mercredi l’ancien président de la République guinéenne, Moussa Dadis Camara, pour son rôle dans un massacre au stade principal de Conakry où s’étaient rassemblés des opposants politiques le 28 septembre 2009. Des militaires avaient tiré sur la foule. Près de 157 personnes avaient trouvé la mort tandis que des dizaines de femmes avaient été violées.
L’interrogatoire s’est déroulé dans le Palais de Justice de Ouagadougou. Des juges burkinabè avaient déjà entendu le capitaine guinéen en 2014, à la demande de Conakry. Il devrait être auditionné une nouvelle fois la semaine prochaine, rapporte France 24. Depuis cinq ans, le capitaine guinéen est réfugié au Burkina Faso. Cette procédure judiciaire intervient après la visite de la procureure de la Cour pénale internationale, Fatou Bensouda, en Guinée.
Une décision politique ?
Le porte-parole de son parti, le Front patriotique pour la démocratie et le développement (FPDD), Maxime Monimou, a critiqué une décision politique qui vise à le disqualifier pour la prochaine élection présidentielle, dont le premier tour est prévu le 11 octobre. L’ex-chef de la junte a annoncé en mai dernier une alliance avec Cellou Dalein Diallo, un des chefs de l’opposition, président de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), contre l’actuel président Alpha Condé. Un des meneurs des dernières manifestations en Guinée contre le calendrier électoral était présent dans le stade de Conakry le 28 septembre 2009, il avait d’ailleurs été blessé.
A la mort du président Lansana Conté le 22 décembre 2008, Moussa Dadis Camara, inconnu du grand public, intervient quelques heures après à la télévision et à la radio pour annoncer la suspension de la Constitution et de toutes les institutions républicaines du pays. Il prononce alors un discours à caractère social dans lequel il critique le pillage des richesses de la Guinée par les dirigeants et le manque d’accès aux infrastructures. Il devient le chef du Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD) le 23 décembre 2008 et le 24 décembre, les chefs des forces armés le proclame président de la République.
Son action contre le narco-trafique en Guinée
Il s’engage alors à organiser des élections où il ne se présentera pas afin d’assurer une transition. Dans la rue, il se fait acclamer par la population. Le Premier ministre Ahmed Tidiane Souaré et le gouvernement lui prêtent allégeance le 25 décembre. Son action contre le narco-trafique en Guinée dont le pays est alors une plaque tournante est salué par l’ONU. Alors qu’il sème le doute sur sa possible candidature à la Présidentielle, le 28 septembre 2009 intervient la tuerie à Conakry pour laquelle il est inculpé. La communauté internationale condamne l’attaque et les enquêteurs de l’ONU diligentés soulignent la responsabilité de Moussa Dadis Camara. Des ministres de son gouvernement démissionnent.
A la suite de l’enquête, des dissensions apparaissent au sein du CNDD et le président d’alors se désolidarise progressivement des responsables de l’attaque dont l’ancien chef de la garde présidentielle, Aboubacar Sidiki Diakité, qui tente de l’assassiner le 3 décembre 2009. Il le blesse à la tête et prend la fuite. L’ancien aide de camp du chef de la junte l’accuse d’avoir voulu lui rejeter la responsabilité des massacres et déclare alors avoir aidé des opposants à fuir. Cette information sera démenti par un rapport de l’ONG Human Right Watch quelques jours après qui accuse Aboubacar Diakité de « crime de guerre ».
Moussa Dadis Camara est hospitalisé au Maroc. En janvier 2010, contre toute attente, il se rend à Ouagadougou où, sous l’égide de Blaise Campaoré et avec le général Sékouba Konaté qui assure l’intérim, il renonce au pouvoir le 15 janvier 2010, officiellement pour des raisons de santé. Selon des télégrammes de la diplomatie américaine révélé par Wikileaks, la France et les Etats-Unis ont profité de son hospitalisation à Rabat pour lui trouver un successeur. Ils écartent Moussa Dadis Camara du pouvoir, le considérant comme un facteur de déstabilisation de la région. Il a toujours nié sa responsabilité dans ce massacre. Et dès 20 décembre 2010, il annonce déjà son désir de rentrer en Guinée.