Sur ordre du Procureur près le Tribunal de Première instance de Kindia, deux journalistes, Bangaly Condé et Facely Kourouma, ont été arrêtés le jeudi 7 novembre dernier, avant d’être relâchés le lendemain sous la pression de la population.
(De notre correspondant à Conakry)
Arrêtés le jeudi 7 novembre dernier sur ordre du Procureur près le Tribunal de Première instance de Kindia (ville située à 135 km de la capitale), puis relâchés le lendemain sous la pression de la population, les journalistes Bangaly Condé et Facely Kourouma, tous deux de la radio communautaire Sabou Fm, ont subi un préjudice sans précédent qui défraie la chronique dans le pays.
Selon Bangaly Condé qu’Afrik.com a joint par téléphone, ils ont été arrêtés suite à une plainte déposée par le vice-président du tribunal de Kindia. Il poursuit en indiquant qu’ils ont été interpellés pour diffamation et injure publique à l’encontre de ce vice-président du tribunal, lors d’une émission intitulée « Vérité sur l’ombre ». « Les jeunes sont sortis massivement pour nous soutenir, alors que nous avons passé la nuit dans une cellule à la gendarmerie départementale de Kindia. Et c’est sous l’influence de ces jeunes très furieux que nous avons été libérés », précise Bangaly Condé.
Féliciter la population qui a permis de les les libérer
Face à cette situation, les associations de presse et le Conseil national de la Communication (CNC) ne sont pas restés indifférents. Ainsi, El Hadj Abou Camara, membre du CNC que nous avons rencontré ce lundi 11 novembre au siège de la dite institution, a reconnu que ce qui s’est passé à Kindia n’est pas normal. Et d’ajouter : « Il faut féliciter la réaction de la population qui a permis aux journalistes de recouvrer la liberté. Le citoyen qui se sentait diffamé devait formuler la plainte et la déposer au CNC ou à la justice. Et je précise que si on applique la loi 002 sur la liberté de la presse au niveau de la Haute Autorité de la Communication (HAC), qui dépénalise le délit de presse, le journaliste ne peut pas être emprisonné. Et le procès ne peut aboutir qu’à une amende, selon la volonté du plaignant qui peut demander un dédommagement. Il y a toujours un délai. Je tiens à rappeler qu’en 2000, il y a eu le cas du journaliste Sacko qui a été emprisonné. Là, le CNC s’était levé et l’a fait libérer ».
Violation de la loi 002 sur la liberté de la presse
Iboune Conté, vice-président de l’Association guinéenne des éditeurs de la presse indépendante (AGEPI), très révolté, a déploré l’interpellation, puis la détention des journalistes de Sabou Fm. Et a lancé : « On est dans un pays où chaque profession est régie par des textes de loi qui sont dans la Constitution guinéenne et de laquelle Constitution se détachent les lois sur la liberté de la presse et la HAC. Il y a un problème en Guinée, nous ne respectons pas les textes de loi. Nous les réfutons. Tous nos problèmes découlent de là. Je rappelle que dans la loi 002 sur la liberté de la presse, il est interdit la détention d’un journaliste, même provisoire, sur l’ensemble du territoire national. Quand un délit de presse est avéré, la seule chose qu’on peut faire, c’est de saisir la justice. Et la seule chose que cette entité doit faire, c’est d’accéléré la procédure, montrer à la personne son droit de saisir la justice. Et la justice, sur la base des faits, prend des décisions. Et ce qu’on peut faire, c’est d’infliger une amende qui s’élève au plus à 2 millions de GNF. Et en plus, au vu de ce qui s’est passé à Kindia, ces deux journalistes peuvent porter plainte contre le commissariat, en se basant sur la loi de la liberté de la presse ».
Un acte inacceptable, rétrograde, barbare
Le Président l’Association guinéenne de la presse en ligne (AGUIPEL), Amadou Tham Camara a déclaré : « Nous condamnons avec la plus grande fermeté cette violation de la loi sur la liberté de la presse parce que vous n’êtes pas sans savoir que la nouvelle loi sur la liberté de la presse est assez précise là-dessus. Les peines privatives de liberté sont remplacées par des peines pécuniaires, donc il n’est pas normal qu’en tout état de cause, lorsqu’il y a diffamation, qu’un journaliste soit privé de sa liberté. C’est un acte inacceptable, rétrograde, barbare qui ne doit plus jamais se reproduire dans un Etat qui est en voie de démocratisation. Nous condamnons avec la plus grande fermeté cette violation ». A la question de savoir ce qu’il faut pour changer cette donne, M Tham rétorque : « Ceux qui s’adonnent à ce genre de pratique restent impunis. C’est ça le problème ! Le mal de ce pays se résume à un seul mot : l’impunité. Tant que celui qui commet des fautes sait que derrière, il n’y a pas de sanction, alors il n’a aucun mal à commettre à nouveau les mêmes fautes. C’est cela le problème. Le mal guinéen reste l’impunité ».
Le constat est là, la pratique du journalisme est jonchée de difficultés en Guinée. Et la loi est foulée du pied par les autorités. Une situation qui doit interpeller toute la corporation afin que ces pratiques d’un autre âge cessent.