Guinée : le « big show » de Sékou Yalany Keïta et de Moussa Doumbouya


Lecture 4 min.
Sékou Yalany Keïta (à gauche) et Moussa Doumbouya

Sékou Yalany Keïta et Moussa Doumbouya, des acteurs géniaux dans la critique d’une société où les bourreaux contraignent leurs souffre-douleurs à être des victimes consentantes. Big shoot du dramaturge et écrivain ivoirien Koffi Kwahulé, en sélection officielle lors du dernier Marché des arts du spectacle africain, a été l’occasion de découvrir deux excellents comédiens guinéens, mis en scène par Souleymane Bah. Rencontre avec deux sociétaires de la compagnie guinéenne Les Sardines de Conakry.

Quand la torture devient un spectacle, les relations du bourreau et de la victime sont portés au paroxysme de la cruauté devant un public transformé en voyeur. C’est le thème de Big Shoot, une pièce créée en 2005 par la compagnie Les Sardines de Conakry. A son actif, pas moins de six autres créations dont la dernière s’intitule Ma famille (2006). Du Bourgeois gentilhomme, en passant par Wouroukouti qui s’inspire de la danse des hommes forts en pays mandingue, à Siny Mory, un conte africain, la compagnie intervient dans tous les registres. Dans Big Shoot, Sékou Yalany Keïta, 31 ans, interprète Monsieur et Moussa Doumbouya, 26 ans, Stan. Le duo, accompagné de trois musiciens sur scène, fonctionne à merveille dans un labyrinthe de cruauté, de violence et de sexualité morbide. Ce qui ne saurait laisser indifférent le spectateur. La compagnie Les Sardines de Conakry est née à l’initiative de comédiens guinéens formés lors d’un atelier conduit au centre culturel français de Conakry par les Cartoon sardines théâtre de Marseille. La troupe guinéenne compte aujourd’hui une dizaine de membres.

Afrik.com : Qu’est-ce qui vous a interpellés dans vos rôles respectifs de Monsieur, le bourreau, et de Stan, la victime ?

Sékou Yalany Keïta :
Faire avouer des crimes à des victimes innocentes, comme Stan, cela s’est passé en Guinée sous le régime de Sékou Touré (premier président guinéen sous lequel le pays a connu une dictature sanglante, ndlr). Interpréter Monsieur a été le lieu d’exprimer toute cette colère qui m’habite devant les exactions qui ont été perpétrées à cette époque.

Moussa Doumbouya : Cette pièce n’est que le reflet de ce qui se passe aujourd’hui dans le monde. On le voit à la télé : les guerres, les personnes qui tuent des innocents. L’intérêt de cette pièce réside aussi dans la complémentarité des personnages de Monsieur et de Stan. S’il ne fait pas le bourreau, je ne peux pas faire la victime. Ce sont des personnages qui se travaillent ensemble.Sékou Yalany Keïta (à gauche) et Moussa Doumbouya

Afrik.com : Votre rencontre avec le théâtre date de quand ?

Sékou Yalany Keïta :
Je fais du théâtre, qui faisait partie du programme, depuis que je suis au collège et cela a continué au lycée. Et puis en 1999, nous avons créé la compagnie Les Sardines de Conakry après un atelier de formation avec les Cartoon sardines théâtre de Marseille. Depuis, je n’ai cessé de faire du théâtre.

Moussa Doumbouya : J’ai découvert le théâtre en 2003 mais j’ai toujours voulu en faire. Nous travaillions ensemble lors d’une foire et Sékou m’a proposé de le rejoindre dans sa compagnie. C’est lui qui m’a encadré. Je venais de terminer mon BTS de comptabilité gestion. J’ai abandonné cette voie pour le théâtre.

Afrik.com : Etre comédien en Guinée nourrit-il son homme ?

Sékou Yalany Keïta :
La scène ne nourrit pas, mais ce n’est vraiment pas un problème. C’est surtout avec les parents que c’est difficile, ils estiment qu’être acteur n’est pas un métier. Les comédiennes ont encore plus de mal à le faire accepter à leurs parents. Il faut souvent aller les voir pour qu’ils acceptent que leurs filles fassent des tournées.

Afrik.com : Votre compagnie tourne-t-elle beaucoup ?

Sékou Yalany Keïta :
Oui et cela depuis le début. Dès 1999, nous avons fait la tournée de tous les centres culturels français d’Afrique de l’Ouest avec Le conte d’hiver, la pièce que nous avions jouée lors de notre formation. En Guinée, nous sommes la seule compagnie qui marche bien et qui a l’opportunité de participer à des festivals internationaux. Les autres doivent faire face à des problèmes d’administration ou de gestion. Notre chance est d’avoir réussi à nous organiser.

 Lire aussi :

12244

Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News