Le président Lansana Conté a accepté hier, lors d’une rencontre-éclair, de répondre positivement à la majorité des revendications des mutins. En retour et pour preuve de sa bonne foi, la délégation des militaires présente à l’entretien a retiré l’une de ses plus radicales demandes, à savoir le limogeage des principaux généraux de l’armée, soupçonnés de mauvaise gestion, de détournement de primes et de corruption. Depuis, une accalmie semble avoir gagné Conakry, le foyer de la fronde.
« Allez reprendre le travail, je vais examiner favorablement vos revendications », a déclaré le président guinéen, dimanche, aux soldats mutins, selon une source AFP. Au sortir de la réunion, chaque partie semblait donc satisfaite. Lansana Conté, qui avait souhaité recevoir les rebelles pour parvenir à une sortie de crise, a manifestement décidé de composer avec leurs revendications.
Dès vendredi, le Président Conté s’est affairé à limiter la crise dans le temps en cédant face aux rebelles. En effet, les affrontements entre la garde présidentielle et les insurgés survenus jeudi dernier avaient montré que le soulèvement ne s’arrêterait pas là et qu’il pouvait déboucher sur une tentative de putsch.
Au cours d’une rapide entrevue réunissant Lansana Conté et une délégation de militaires mutins, le chef de l’Etat a donc accepté la majeure partie de leurs desiderata pour garder le contrôle du pays, qu’il dirige d’une poigne de fer depuis 1984. Il est indispensable pour lui que l’armée, qui représente le pilier de son régime, reste unie et soudée derrière les dirigeants. Or la rébellion, ces derniers jours, de plusieurs bases militaires menaçait cet équilibre de fait et devait donc être enrayée au plus vite.
Les frondeurs réclamaient le règlement de salaires et de primes, une subvention à l’achat du riz, la mise à la retraite sans préavis de leurs supérieurs hiérarchiques, ainsi qu’une amnistie totale pour leurs actes violents des jours précédents. Il semblent donc avoir été entendus, à l’exception du limogeage des généraux de l’armée.
Le calme après la tempête
L’agitation était partie, dans la nuit du 23 au 24 mai, du camp Alpha Yaya Diallo, à Conakry, connu pour être la plus grande garnison du pays. Les soldats avaient effectué des tirs de sommation en l’air. A la tête du mouvement de rébellion, les soldats soumis à la hiérarchie militaire elle-même à la solde de l’oligarchie au pouvoir. Leur revendication majeure était d’ordre salarial, puisqu’ils réclamaient le paiement de soldes dues depuis 1996. Avant son éviction du pouvoir, l’ex-premier ministre Lansana Kouyaté avait promis de régler enfin la question. Son limogeage a donc déclenché la fureur des militaires, qui craignaient un recul du nouveau gouvernement sur la question.
Puis la machine s’était emballée, avec la prise d’otage sur la personne de Mamadou Sampil, le chef d’état-major adjoint envoyé à Conakry pour négocier avec les jeunes mutins.
Dès mardi, le Président Lansana Conté a semblé prendre les choses en main pour stopper l’emballement et la surenchère de la mutinerie. Après avoir partiellement cédé sur les revendications salariales il a, pour faire bon poids bonne mesure, révoqué le ministre de la Défense, le Général Baïlo Diallo, en signe d’ « épuration » parmi les rangs des généraux corrompus. Insatisfaits, les militaires ont continué dans les jours suivants leurs actes de rébellion.
La population affolée, le gouvernement pressé d’en finir
Terrée chez elle, la population des environs a attendu l‘issue de ce bras de fer, paniquée. En effet à force de balles perdues, les faits d‘armes des mutins ont causé la mort de plusieurs civils, et plusieurs dizaines de blessés ont été dénombrés. Par ailleurs, les Guinéens ne se sentent que très peu concernés par le mouvement des soldats: ceux-ci recherchent l’amélioration de leurs conditions de vie propres, mais leurs doléances ne tendent pas à favoriser l’ensemble de leurs concitoyens. Le fossé se creuse donc entre civils et militaires, d’autant que les violences de ces derniers jours ont accentué le climat d’insécurité.
Les événements des jours derniers attestent d’une fragilité latente dont les dommages collatéraux auraient bien pu menacer l’équilibre du pouvoir en place. Dès lors, ce mouvement avorté augure d’une stabilité relative, jusqu’à l’embrasement d’une nouvelle crise. Quoiqu’il en soit le calme semble être revenu sur Conakry et la vie a pu reprendre un cours « normal » ce matin.
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