
La Guinée est confrontée à une série de féminicides et d’agressions qui suscitent une vive émotion. Face à l’ampleur de ces violences, le Collectif des associations féministes contre les violences basées sur le genre tire la sonnette d’alarme et exige de l’État guinéen une réaction immédiate et ferme pour mettre fin à l’impunité.
Ces dernières semaines, plusieurs cas de violences extrêmes contre des femmes ont été médiatisés en Guinée, choquant l’opinion publique. Parmi eux, l’agression de plusieurs prostituées dans le quartier de Kipé, à Conakry, par un groupe de jeunes se présentant comme une milice de « moralisation ». La scène, filmée et largement diffusée sur les réseaux sociaux, montre des femmes battues à coups de bâtons par des hommes, sans intervention des autorités.
Un climat de peur et d’indignation
« Ce n’est que la partie visible d’un phénomène bien plus préoccupant », s’indigne Oumou Khairy Diallo, membre du Collectif des associations et féministes contre les violences basées sur le genre. Selon elle, les violences faites aux femmes sont systématiquement minimisées, tant par une partie de la société que par les autorités, qui peinent à adopter des politiques publiques efficaces.
Le collectif dénonce notamment la récente attitude du ministère de la Culture guinéen dans l’affaire de la chanteuse Djelykaba Bintou. La célèbre artiste avait publiquement révélé avoir été victime de violences conjugales. Pourtant, au lieu d’ouvrir une enquête judiciaire et de protéger la victime, le ministère a opté pour une tentative de « réconciliation » entre la chanteuse et son agresseur, sous couvert de préserver la « culture guinéenne ».
« Ce que l’État est censé faire, c’est de s’auto-saisir de tels cas et de protéger les victimes », déplore Oumou Khairy Diallo. « Lorsque l’État préfère encourager une médiation entre l’agresseur et sa victime, c’est tout le système de protection des femmes qui est remis en cause. Aujourd’hui, en tant que femmes guinéennes, nous avons peur. Nous sommes toutes en danger ».
Promesse de « tolérance zéro » des autorités
Face à l’indignation grandissante, le gouvernement guinéen a finalement réagi en promettant une politique de « tolérance zéro face à l’impunité ». Lors d’une déclaration officielle, les autorités ont assuré que des mesures seraient prises pour « garantir la sécurité des femmes et punir sévèrement les auteurs de violences basées sur le genre ».
Cependant, pour de nombreuses organisations féministes, ces promesses restent insuffisantes sans une réforme en profondeur du système judiciaire et sans la mise en place de mécanismes efficaces de protection. Elles réclament notamment :
- l’adoption de lois spécifiques contre les violences basées sur le genre, incluant les féminicides ;
- la formation des forces de l’ordre et des magistrats sur les questions de violences faites aux femmes ;
- l’ouverture de refuges pour accueillir et protéger les victimes ;
- une véritable politique de sensibilisation auprès des communautés.
Un enjeu crucial pour les droits des femmes en Guinée
En Guinée, les violences contre les femmes restent largement sous-déclarées, par peur des représailles ou en raison de la pression sociale. Le poids des traditions, l’absence d’un cadre légal adapté et l’inaction institutionnelle perpétuent un climat d’impunité qui fragilise davantage les victimes. La mobilisation actuelle des collectifs féministes marque donc un tournant : il ne s’agit plus seulement de dénoncer, mais d’exiger des changements concrets, dans un pays où les droits des femmes peinent encore à être reconnus et protégés.
Pour ces militantes, il en va non seulement de la sécurité des femmes guinéennes, mais aussi de l’avenir d’une société plus juste et égalitaire. Comme le rappelle Oumou Khairy Diallo : « Nous continuerons à alerter, à nous battre, jusqu’à ce que la dignité et la vie des femmes soient pleinement respectées en Guinée ».