Guinée: la révolte des militaires déstabilise le gouvernement


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Le numéro deux de l’armée guinéenne Mamadou Sampil est séquestré depuis lundi par des soldats, à Conakry. Ils réclament le paiement des arriérés et des primes que le gouvernement leur doit depuis 1996. Ces revendications ont rapidement été reprises par d’autres militaires du pays.

A Alpha Yaya Diallo, le plus grand camp militaire de Guinée situé à Conakry, la colère gronde depuis mardi dernier, date du limogeage du Premier ministre Lansana Kouyaté décidé par le chef de l’Etat Lansana Conté. M. Kouyaté avait en effet promis aux soldats les 1 100 dollars US (près de 5 000 FG) de salaire impayés. Son renvoi a stoppé net les espoirs des militaires qui craignent un désengagement de l’Etat sur le sujet. Mais la mutinerie a pris une toute autre tournure lundi lorsque le général Mamadou Sampil, le numéro deux de l’armée guinéenne, venu négocier pour calmer le jeu, a été pris en otage à 14h30 (heure locale). Il est toujours séquestré dans le camp contrairement à ce qu’avaient annoncé, plus tôt dans la journée, des sources proches de la famille.

Des soldes non perçus depuis 1996

Les soldats mutins réclament aujourd’hui sept millions de francs guinéens (soit près de 1 600 dollars US) par militaire et par mois au lieu des deux millions initialement exigés. Pour preuve de leur détermination, le chef d’état-major adjoint en a fait les frais. Mamadou Sampil ne subit, semble t-il, aucun mauvais traitement. « Dans un pays comme la Guinée où la corruption est une pratique courante, les salaires et les primes n’ont jamais été perçus entièrement », explique Ismael Kabiné Camara, rédacteur en chef de l’hebdomadaire Le Diplomate. Par ailleurs, des rumeurs couraient déjà notamment à propos du ministre de la Défense, Mamadou Baïlo Diallo, qui aurait gardé une grande partie de l’argent destiné aux militaires pour lui. Une rumeur qui aurait déclenché les troubles. « Mais ce sont des informations non avérées et difficiles à vérifier. Le domaine militaire est protégé d’accès », affirme M. Camara.

« Les militaires n’ont jamais reçu un salaire entier. Ils estiment aujourd’hui que les deux millions ne sont pas suffisants », explique Le Diplomate. Selon M. Camara, « les problèmes budgétaires auxquels le gouvernement est confronté » ont toujours empêché le paiement des soldats. Les prix des denrées alimentaires ayant fortement augmenté, « beaucoup ont du mal à boucler leur fin de mois ». Pour exemple, un militaire débourse actuellement 80 000 FG pour un sac de 50 kg de riz contre 16 000 FG les années précédentes (un civil achète le même sac à plus de 200 000 FG). « Une réunion de crise a eu lieu hier entre le président Lansana Conté, certains membres de son gouvernement dont le nouveau Premier ministre (Ahmed Tidiane Souaré, ndlr), le ministre de la Défense ainsi que plusieurs hauts responsables de l’armée pour débattre des préoccupations des soldats et trouver une solution rapide », souligne le rédacteur de l’hebdomadaire.

La fronde se propage dans tout le pays

A l’issue de cette réunion, le président s’est voulu rassurant et a demandé aux militaires de privilégier le « dialogue et la concertation ». Mais le communiqué n’a guère convaincu. La tension est loin de s’apaiser. La mutinerie s’étend même vers d’autres camps militaires du pays. Des coups de feu auraient ainsi été entendus à Boiro, quartier général de la garde présidentielle ainsi qu’à Kindia (130 km au nord de Conakry) et à N’Zérékoré (1 000 km au sud de la capitale), deux importantes garnisons du pays.

La libération de M. Sampil se fait toujours attendre et on compte désormais un officier, le commandant Korka Diallo, grièvement blessé par balles. Une femme aurait aussi été tuée à Kindia. Les militaires en Guinée sont considérés comme le fer de lance du régime de Lansana Conté en place depuis un coup d’Etat en 1984. Le président a donc tout intérêt à ce que la situation soit rapidement sous contrôle. Reste à savoir si le gouvernement va fléchir.

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