Deux rapports d’enquête, l’un de l’ONG Human Rights Watch publié la semaine dernière et l’autre de la Commission d’enquête des Nations unies, rendu public lundi, accusent la junte au pouvoir en Guinée, d’avoir orchestré la répression sanglante de la manifestation de l’opposition qui avait fait plus de 150 morts une centaine de morts fin septembre dans la capitale guinéenne. L’ONU veut saisir la Cour pénale internationale pour qu’elle juge le capitaine Dadis Camara et plusieurs autres responsables de la junte. L’Union européenne a adopté de nouvelles sanctions contre le régime guinéen.
La communauté internationale souhaite le départ la junte militaire au pouvoir en Guinée. Dans un rapport publié lundi, la Commission d’enquête des Nations unies qualifie de crime contre l’humanité, la répression sanglante d’une manifestation pacifique de l’opposition qu’elle a orchestrée le 28 septembre dernier à Conakry, la capitale guinéenne.
Les enquêteurs de l’ONU mettent directement en cause de nombreux responsables de la junte militaire, dont son chef, le capitaine Dadis Camara, hospitalisé au Maroc depuis la tentative d’assassinat dont il a fait l’objet, le 3 décembre dernier. Son aide de camp, le lieutenant Aboubakar Diakité dit « Toumba » qui a tenté de le tuer, avant de s’enfuir, fait aussi partie de la liste, de même que de nombreux autres personnalités du régime. Pour les Nations unies, la répression de la manifestation avait fait au moins 156 morts ou disparus.
Quelques jours avant la publication de cette enquête, l’organisation humanitaire Human Rights Watch avait rendu public un rapport aboutissant aux mêmes conclusions. « Les graves abus perpétrés par les forces de sécurité le 28 septembre n’étaient pas le fait de soldats indisciplinés et incontrôlables comme l’a prétendu le gouvernement guinéen », lit-on dans le document.
Ce document de plus de 150 pages fort détaillé et amplement illustré révèle ainsi la bonne organisation des forces de sécurité lors de leur assaut, l’arrivée simultanée de plusieurs unités armées, la bonne coordination dans leur déploiement aux points stratégiques du stade pour empêcher les manifestants de s’enfuir, leur choix délibéré de faire usage d’armes létales et la présence d’officiers de l’armée guinéenne. Des éléments qui laissent penser que « ces crimes étaient prémédités ».
Human Rrights Watch recommande par conséquent que le gouvernement guinéen soit immédiatement suspendu de ses fonctions, et que ses membres soient poursuivis par la justice internationale. L’Organisation des nations unies abonde dans le même sens, et demande que les membres de la junte soient traduits devant la Cour pénale internationale.
Accroissement des sanctions
Pour Bernard Kouchner, le ministre français des Affaires étrangères, l’enquête de l’ONU est accablante à l’égard de la junte. S’exprimant mardi lors d’une conférence de presse à Paris, Le ministre a laissé entendre que ce rapport décrivait un « un raffinement de cruautés et de tortures qui fait froid dans le dos ». Bernard Kouchner, qui a suggéré à Dadis Camara de ne pas rentrer en Guinée de peur de « provoquer une guerre civile », a ajouté que l’Union européenne (UE) doit tirer les conséquences qui s’imposent.
Cette dernière a vivement réagi. Elle a adopté de nouvelles sanctions contre la junte. l’UE a décidé de geler ses avoirs et a interdit de lui fournir tout matériel de guerre. La liste de personnalités guinéennes non grata sur le territoire européen a également été rallongée, passant de 42 à environ 70. Enfin, l’UE a décidé de se retirer du projet d’accord portant sur la pêche au thon qui la liait à la Guinée. Dédié à la poursuite pendant quatre ans d’une coopération mise en place en 1983, cet accord devait permettre le déblocage de 450 000 euros pour le développement de la pêche en Guinée. Une somme supplémentaire de 1,6 millions d’euros devait être affectée au contrôle des zones de pêche guinéennes.