La tension est montée d’un cran entre les partisans du président guinéen Lansana Conté et son premier ministre Lansana Kouyaté. En cause, l’expulsion de Chantal Colle, une Guinéo-Française proche du chef de l’Etat qui avait critiqué le gouvernement en place. Cette femme d’affaires, qui se bat pour retourner en Guinée, envisage d’en appeler à la France si son exil forcé devait se prolonger.
Les relations entre le président Lansana Conté et son premier ministre Lansana Kouyaté ne semblent pas près de s’arranger. Le 19 mars, le ministère de l’Intérieur et de la Sécurité a pris un arrêté ordonnant « l’expulsion définitive de Madame Chantal Colle, de nationalité française ». Cette Guinéo-Française était accusée d’avoir tenu des propos « diffamatoires et déshonorants » contre le premier ministre lors d’une conférence de presse.
Toucher Colle, pour atteindre Conté
La présidente-directrice générale de la compagnie de téléphonie mobile Alo-Guinée avait notamment critiqué la gestion des deniers publics par le gouvernement de Lansana Kouyaté, et le train de vie de ce dernier. Deux jours après, Chantal Colle était déclarée indésirable dans son pays natal et envoyée en France, pays dont elle détient aussi la nationalité. « Le président a donné l’ordre d’annuler l’ordre d’expulsion et que je rentre, mais le gouvernement Kouyaté a refusé d’obtempérer », explique à Afrik Chantal Colle, qui déplore l’inactivité de la cour suprême, saisie il y a environ trois semaines.
Pour cette femme d’affaire, qui « assume le fait d’être dans le clan présidentiel », il est clair que Lansana Kouyaté n’a pas cherché à atteindre le chef de l’Etat Lansana Conté, qu’elle connaît depuis « environ 13 ans ». Il faut dire que les relations n’ont jamais été très bonnes entre les clans du président et du premier ministre de consensus, nommé au lendemain des manifestations populaires violemment réprimées de janvier-février 2007. Mais cet épisode a souligné les divergences dans la sphère politique.
« Si Lansana Kouyaté gagne, je me tournerai vers la France »
L’Assemblée nationale a condamné l’expulsion de Chantal Colle, la jugeant illégale puisqu’elle « bénéficie d’une double nationalité ». Elle dénonce aussi une violation du droit guinéen. « S’il y a eu diffamation sur la personne du premier ministre, une plainte en bonne et due forme aurait dû être adressée au procureur, laissant au tribunal le soin de lire le droit ». Une procédure que rappelle aussi l’Association des éditeurs de la presse indépendante guinéenne.
Chantal Colle, dont 80% des investissements sont faits en Guinée, a par ailleurs reçu le soutien du Conseil national de la communication et du Conseil économique et social. Côté Hexagone, « j’ai rencontré de nombreux officiels français à qui j’ai demandé de rester à l’écart ». La business woman ne ferme cependant pas la porte à une intervention de Paris pour préparer son retour au pays : « Si les choses ne rentrent pas dans l’ordre ou si Lansana Kouyaté gagne, je me tournerai vers la France ».