Entre la presse privée et le ministre de la Communication, Togba Césaire Kpogomou, ce n’est pas le parfait amour. Et pour cause : la publication du rapport des cahiers de charge et licences des radios et télévisions privées par le ministère, la fermeture de la radio Liberté Fm de N’zérékoré, le refus d’accorder une licence à la télévision Espace TV.
(De notre correspondant à Conakry)
Le ministre de la Communication, Togba Césaire Kpogomou et les promoteurs des radios et télévisions privées ne conjuguent pas actuellement le même verbe. Ces derniers demandent même la démission du ministre. Ce, après la publication samedi par le ministère du rapport des cahiers de charge et licences des radios et télévisions.
« 61 agréments ont été délivrés par le ministère en charge de la Communication après avis du Conseil national de la Communication dont 6 télévisions privées, 34 radios commerciales, 21 radios communales. A ce jour, seulement 7 radios privées ont signé les conventions sur les 55 et aucune télévision sur les 6 », précise les services du ministre. Et d’ajouter : « La signature de la convention est cependant obligatoire avant le démarrage des émissions de la radio et de la télévision. Il y a aussi l’attribution d’une seule fréquence qui donne droit à une seule radio et Télévision selon le décret d’application. Cela signifie qu’un agrément donne droit à une seule fréquence. Or, on note qu’avec un seul agrément, certaines radios disposent de 2 ou 3 fréquences ».
Dans le même ordre d’idée, le ministère dénonce les promoteurs de radios qui détiennent deux ou plusieurs fréquences et les promoteurs de médias qui sont des leaders de partis politiques. « En violation à cette disposition, certains promoteurs des radios ont installé de nouvelles stations dans d’autres villes du pays qui sont différentes des stations de réémission. Liberté FM à Conakry et à N’Zérékoré ; Horizon FM à Conakry et à Kankan ; Milo FM à Kankan, Siguiri et Mandiana ; Bambou FM à Coyah et Faranah ; Espace FM à Conakry, Labé, Boké ; Djoliba FM à Conakry, Siguiri et Kouroussa », dit-il. Il ajoute par ailleurs que le non-respect des normes techniques et l’amalgame entre radio communautaire et radio commerciale privée.
Le ministère de la Communication a également dénoncé la création anarchique des radios sans agréments, le non-paiement des droits, des taxes et redevances à l’Etat, la non-protection du personnel (journalistes et techniciens) contre les risques professionnels, le non-paiement d’un salaire adéquat et décent permettant aux personnels de radios et télévisions privées de vivre sans être des journalistes alimentaires.
Parlant de sa décision de fermer la radio privée Liberté FM de N’zérékoré, suite aux affrontements interethniques survenus dans cette localité qui a été vivement critiquée par les associations de presse, le ministre de la Communication a indiqué que si c’était à refaire, il le refera.
« Devant une situation particulière, une mesure particulière. Lorsque la cité brûle, je n’ai pas besoin de demander l’avis de Mohamed ou de Jésus pour faire amener le calme. C’est le rôle régalien de l’Etat de sauvegarder des vies. C’est ce que j’ai fait et si c’était à refaire, je le referais. C’est ce que j’ai fait au nom du président de la République, je crois que Reporters sans Frontières qui est au fronton de la lutte pour la liberté de la presse doit connaître la frontière entre les moments de crise et les moments normaux dans la vie d’une nation. Si on donnait cette liberté à la radio Liberté Fm de N’zérékoré, de faire le décompte macabre, ça serait plus grave, ça serait même irresponsable de ma part dans cette situation de belligérance armée à élan ethnocentrique. Donc, il fallait mettre fin à ceux qui étaient la jeune sœur de la radio Mille Collines au Rwanda. Nous avons compris que ceux qui avaient intérêt à voir cette partie de notre pays à feu et à sang, voulaient se servir de la radio Liberté Fm pour faire passer leur message ».
Autre point de discorde qui oppose le ministre de la Communication et la presse privée, c’est le refus d’accorder une licence à la télévision Espace TV. Sur ce point, le ministre Césaire est catégorique : « Je suis prêt à payer tous les prix mais ça ne marchera pas. Donc Espace Tv peut recourir à d’autres planètes pour s’installer mais pas ici, tant que nous sommes aux affaires. Parce que nous ne sommes pas dans la magouille. On n’est pas dans le fait semblant. (…) ».
Cette sortie médiatique du ministre de la Communication a été vivement critiquée par les promoteurs des médias privés. Des émissions spéciales ont été organisées dans différentes radios privées pour réclamer le départ du ministre à la tête du département de la Communication. « Ce ministre veut mettre à l’eau tout le combat qui a été mené durant de longues années pour obtenir la liberté de la presse en Guinée. Nous n’accepterons jamais cela. Il faut qu’il démissionne », indique ainsi un journaliste d’une radio de la place.
Depuis l’accession du président Alpha Condé au pouvoir, des menaces contre la presse sont récurrentes. Récemment, c’est le Conseil national de la Communication qui avait pris une décision de fermer la radio Planète FM pour un mois et de retirer le micro pour un mois à son journaliste vedette, Mandjan Sidibé.