Des femmes ont été attaquées par des jeunes, à Conakry, alors qu’elles sortaient du concert de l’artiste ivoirien Dollar R DJ et de son groupe de wolosso, une danse jugée sexy. Les agresseurs voulaient les punir de porter des tenues qu’ils estimaient trop suggestives. Des viols auraient aussi été commis. Des enquêtes seraient en cours.
Plusieurs jeunes filles ont été attaquées, le 15 avril, à Conakry, à la sortie de la prestation scénique de l’artiste ivoirien Dollar R DJ et de son groupe de wolosso – une danse jugée par certains comme très sexy. Leur concert, menacé de boycott, s’est finalement tenu à la piscine Marocana. Mais à la fin du spectacle, de nombreux jeunes s’en sont pris à celles qui portaient des tenues qu’ils jugeaient trop aguichantes. « J’étais pris dans les embouteillages et j’ai vu que les jeunes attendaient les filles à la sortie pour voir comment elles étaient habillées. Ils regardaient dans les voitures et faisaient descendre celles qui étaient mal habillées pour les frapper. J’en ai vu cinq qui ont été sérieusement frappées », raconte Lamine, 25 ans, qui revenait d’un baptême au moment des attaques.
Filles déshabillées, viols présumés
Le témoin ajoute : « J’ai vu que des filles ont été menacées physiquement parce qu’elles portaient des tenues extravagantes, comme des mini-jupes avec le string qui dépasse. Celles qui étaient bien habillées, ça allait, mais, pour les autres, on déchirait leur mini-jupes, comme pour dire : « Tu veux être habillée comme ça, et bien voilà » ». Le journal guinéen Le Diplomate ajoute que « des dizaines de jeunes filles ont été violées et copieusement rossées ». La BBC évoque pour sa part « quelques cas de viols présumés », et souligne qu’une trentaine de personnes ont été arrêtées dans le cadre des violences, que la police a fini par interrompre. Bilan : apparemment pas de décès, mais plusieurs blessées qui ont dû être évacuées pour soins.
Des enquêtes seraient en cours pour démasquer les agresseurs qui, d’après Lamine, étaient « des loubards du quartier ». Les attaques se sont notamment produites dans les quartiers de Cosa, Bambéto ou Wanindara, où les tensions resteraient assez fortes en temps normal. Le journal guinéen Le Diplomate rapporte que « l’ordre a été donné dans les mosquées où les imams ont prêché pour inciter les jeunes hommes à descendre dans les rues ». Afrik n’a pu vérifier l’information. Cependant, en Guinée, un pays majoritairement musulman, la danse excitante du wolosso associée à une mode qui éveille tout autant les sens n’est pas vue d’un bon œil. Il faut dire que certains assimilent cette danse à de la pornographie.
Une jeune fille battue en Côte d’Ivoire
Pour ce qui est des vêtements, « parfois, les filles-là exagèrent à tel point que nous-mêmes, femmes, nous sommes gênées, estime le Dr Mariam Condé, membre de l’organisation non gouvernementale Asegmassi, qui lutte contre le VIH/sida. Leurs pantalons sont portés tellement bas que parfois on voit même les poils du pubis. Leurs seins sont complètement dehors. »
Les filles qui portent ce genre de tenues sexy sont d’ailleurs appelées « wolosso ». Un terme qui désigne, en langue malinké, les personnes vulgaires et sans gêne. En soussou, cela renvoie à quelqu’un qui « n’est pas reconnu par la société, qui fait ce qu’il veut », explique Lamine. Une attitude réprouvée par certains Guinéens, jeunes et moins jeunes, qui ont mené plusieurs expéditions punitives contre les « wolosso ». En Côte d’Ivoire, où serait né le « wolosso », « des jeunes d’Adjamé 220 logements (une commune d’Abidjan, ndlr) ont roué de coups une jeune fille après l’avoir mise nue, sous prétexte qu’elle a porté une mini-jupe très sexy », annonçait le 14 février le quotidien L’Intelligent d’Abidjan.
Les mini-jupes au placard
En arriver à de telles extrémités, est-ce la solution ? Lors d’une émission radio consacrée aux événements, les avis étaient partagés. « Ici, nous n’avons pas beaucoup d’électricité. A partir de 19h, il commence à faire noir. Or, ce genre de tenue peut attirer les hommes vers les filles », indique pour sa part le Dr Mariam Condé, faisant allusion au risque accru d’agressions sexuelles. La membre associative poursuit : « Ce n’est pas normal de bastonner des filles comme ça. Vous pouvez les sensibiliser, leur dire qu’elles doivent changer de comportement, qu’elles doivent protéger leurs fesses en s’habillant correctement ».
Lamine estime quant à lui que « ce n’est pas cool de faire ça. C’est à l’administration d’agir, pas à la population, car la Guinée est un pays laïc ». Un discours calé sur le message délivré par les autorités, qui appellent les citoyens à cesser ses violences. Le « soutien » du gouvernement ne parvient pas à rassurer les jeunes filles. Certaines n’osent plus mettre pied à Bambéto ou Cosa par crainte de se faire attaquer, selon la BBC. L’une des sœurs de Lamine a trouvé le moyen de sortir sans être inquiétée : elle a troqué ses mini-jupes contre des habits jugés plus conventionnels. Une décision à laquelle se sont résolues d’autres jeunes femmes.