Guinée : Conakry entre coup d’Etat et légalité constitutionnelle


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Un groupe de militaires constitué en Comité national pour la démocratie et le développement s’est emparé du pouvoir, hier, en Guinée. Il tente de rassurer la communauté internationale et les partenaires commerciaux du pays, et a promis d’organiser des élections démocratiques avant décembre 2010. Mais le chef d’Etat major général des armées, le président de l’Assemblée nationale et le Premier ministre se sont vivement opposés au coup de force des putschistes et affirment représenter le pouvoir légal.

Notre correspondant en Guinée

Après vingt quatre ans de pouvoir, le général Lansana Conté est décédé le lundi 22 décembre. Quelques heures plus tard, le président de l’Assemblée nationale demande au président de la Cour suprême de constater la vacance du pouvoir. Mais, très tôt c’est un groupe de militaires qui investit les locaux de la radio télévision guinéenne pour s’emparer du pouvoir.

Organisé au sein du désormais Comité national pour la démocratie et le développement, ce groupe de militaires a diffusé dans la journée d’hier, mardi 23 décembre, six communiqués. Dans ces derniers, les putchistes indiquent la suspension de la constitution et de toutes activités politiques et syndicales, la dissolution du gouvernement ainsi que des institutions de la République. Leur porte-parole, le capitaine Moussa Davis Camara jusque-là en service au Camp Alpha Yaya Diallo, le plus grand du pays, a également précisé dans un des communiqués, au nom de ses mandants, son attachement aux chartes de l’Union africaine, de la communauté économique des Etats de l’Afrique de occidentale (CEDEAO) et de celle des Nations unies. Il a aussi rassuré les partenaires au développement, en précisant que seraient respectés tous les engagements contractés par la Guinée.

Les « nouveaux maîtres » du pays n’ont pas manqué de rendre en partie responsables de la situation calamiteuse du pays le gouvernement du Dr. Ahmed Tidjane Souaré et, bien sûr, les institutions de la République. Sont visées en particulier l’Assemblée nationale, la Cour suprême et le Conseil économique et social. Dans la soirée d’hier, à l’issue d’une longue réunion au Camp Alpha Yaya Diallo, d’où est parti le coup d’Etat, la rencontre avait pour but de faire adhérer les indécis ou des loyalistes au bien-fondé du coup de force. L’autre point fort de la rencontre portait sur le choix du chef de la junte pour diriger les opérations. Il y avait trois noms en lice, le général Mamadou Camara, chef d’Etat major de l’armée de terre, le Commandant Sékouba Konaté chef du Bataillon autonome des troupes aéroportées (BATA) et le capitaine Moussa Davis Camara jusque-là porte-parole des puchistes. Ainsi, aux alentours de 20 heures, heure locale, la liste nominative des membres du Comité pour la démocratie et le développement (CNDD) a été rendue publique sur les antennes de la radiodiffusion télévision guinéenne (RTG). En tête de ce groupe de trente membres, et qui va sans nul doute gérer les affaires courantes de l’Etat, on retrouve le capitaine Moussa Davis Camara. Y figurent également quatre civils. En fait partie aussi la figure de proue de la dernière mutinerie en Guinée, le sous-lieutenant Claude Pivi « Coplan ». Mais le nom du commandant Sékouba Konaté, pressenti pour diriger le CNDD, ne figure pas sur ladite liste rendue publique.

Dissolution du gouvernement, le démenti du Premier ministre

Auparavant, dans la journée, sur une radio privée à Conakry le chef d’Etat major général des armées, loyaliste, lui, parlait de tentative de prise de pouvoir par un groupe de militaires. « Je n’ai pas été associé à ce coup, je crois qu’il faut faire face d’abord aux obsèques du président Lansana Conté », a précisé le général Diarra Camara. Il s’oppose à tout coup de force. Il en est de même, naturellement, pour le président de l’Assemblée, et du Premier ministre. Celui-ci a d’ailleurs affirmé que son gouvernement continue à fonctionner. Le Dr. Ahmed Tidjane Souaré a réitéré, sur une radio étrangère, son soutien au respect de la Constitution. Laquelle constitution en son article 34 stipule : « En cas de vacance de la fonction de président de la République consécutive au décès ou à la démission du président de la République ou à tout autre cause d’empêchement définitif, la suppléance est assurée par le président de l’Assemblée nationale… »

Mais à Conakry, beaucoup d’observateurs préfèrent l’hypothèse militaire sous prétexte que cette Assemblée nationale n’est plus légale, car son mandat a expiré depuis juin 2006. Qu’à cela ne tienne, certains leaders de l’opposition Comme Sidya Touré et Jean-Marie Doré soutiennent le retour de l’ordre constitutionnel. Mais une partie de l’opinion publique guinéenne ne trouve aucun inconvénient à ce que les militaires prennent à nouveau le pouvoir. « Les militaires n’ont qu’à prendre le pouvoir et organiser après des élections anticipées… » entend-on souvent actuellement dans les rues de Conakry. « On n’a connu que la misère sous Conté », nous a, par exemple, confié un jeune enseignant.

Aux dernières nouvelles, dans le septième communiqué des putschistes, Moussa Dadis Camara et ses camarades d’armes s’engagent à organiser les présidentielles au plus tard en décembre 2010. Dans le huitième communiqué, ils mettent en garde contre toute velléité d’envoi de mercenaires pour déstabiliser le pays.

Les funérailles du président Lansana Conté sont prévues, semble- t-il, pour ce vendredi.

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