Un an après le massacre du 28 septembre 2009, la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et son organisation membre, l’Organisation guinéenne de défense des droits de l’Homme et du Citoyen (OGDH), déplorent l’enlisement judiciaire de ce drame et insistent, à l’occasion de l’entre deux tours de l’élection présidentielle, sur l’importance pour les futures autorités de s’engager résolument sur la voie du droit des victimes à la justice.
Il y a un an, une manifestation pacifique organisée par les Forces Vives de la Nation était réprimée dans le sang par les forces de sécurité de la junte militaire alors au pouvoir : au moins, 157 morts, des dizaines de disparus, une centaine de femmes victimes de violences sexuelles, plus de mille blessés.
Dans un premier temps, la junte a voulu enterrer ce dossier par la mise en place d’une commission nationale d’enquête totalement sous contrôle dont le rapport minimisait les faits et mettait seulement en cause la responsabilité de « Toumba », auteur de la tentative de meurtre du chef de la junte Dadis Camara. Mais les autorités politiques de transition mises en place après l’accord de Ouagadougou de janvier 2010 ont changé le cap en désignant trois juges d’instruction dans l’ « affaire du 28 septembre », sous la pression de la communauté internationale et de la Cour pénale internationale.
Le rapport d’enquête dévoile les prémices de cette procédure et démontre le besoin pour celle-ci de s’appuyer sur l’implication des victimes et d’être soutenue par une forte volonté politique en faveur de la lutte contre l’impunité. A défaut, la justice guinéenne qui a été dans l’incapacité de répondre aux droits des victimes des crimes commis sous les régimes autoritaires de Sékou touré, Lansana Conté et Dadis Camara, ne pourra vraisemblablement pas poursuivre les auteurs des crimes perpétrées le 28 septembre dernier.
C’est pour répondre à ce défi que le 1er juin 2010, sous l’impulsion de la FIDH et de l’OGDH, 67 victimes et 5 organisations de défense des droits de l’Homme et de victimes (FIDH, OGDH, AVIPA, AFADIS, AGORA) se sont constituées Parties civiles afin de faire avancer la justice nationale, et le cas échéant, en cas d’incapacité ou de non volonté des autorités guinéennes à rendre la justice, de se tourner vers la Cour pénale internationale qui a ouvert dès le mois d’octobre 2009 une analyse préliminaire sur cette situation.
En filigrane de ce rapport, nos organisations se posent une question simple : existera-t-il le courage et la volonté politique pour rendre justice aux victimes ? « Sans volonté politique, il sera difficile de croire que les tribunaux auront la capacité d’inquiéter des individus encore dans les cercles du pouvoir militaires ou civils » a déclaré M. Thierno sow, président de l’OGDH.
Nos organisations considèrent que ce serait une grave erreur de sacrifier le sort des victimes au prétexte fallacieux de la réconciliation nationale. « Un État sans justice est toujours porteur d’instabilité future » précise Me Sidiki Kaba, avocat des victimes et président d’Honneur de la FIDH.
« Le candidat qui sortira vainqueur du second tour des présidentielles devra faire du renforcement de l’État de droit une priorité des premiers jours de son mandat et l’Affaire du 28 septembre 2009, doit en être l’acte le plus symbolique » a déclaré Souhayr Belhassen, présidente de la FIDH.
Dans cette perspective, le rapport de la FIDH et de l’OGDH préconise une série de recommandations à l’intention des autorités guinéennes et de la communauté internationale afin de mettre en place les bases d’un État rénové, d’une armée réformée, d’une justice réellement indépendante et de la fin de l’impunité des bourreaux qui ont compromis pendant si longtemps l’avenir de la Guinée.